{"id":9951,"date":"2025-05-13T09:24:30","date_gmt":"2025-05-13T19:24:30","guid":{"rendered":"https:\/\/www.service-public.pf\/dcp\/?p=9951"},"modified":"2025-05-13T09:26:06","modified_gmt":"2025-05-13T19:26:06","slug":"le-pa-iatua-une-ceremonie-politique-et-spirituelle-hiroa-n-209-mai-2025","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.service-public.pf\/dcp\/2025\/05\/13\/le-pa-iatua-une-ceremonie-politique-et-spirituelle-hiroa-n-209-mai-2025\/","title":{"rendered":"Le pa \u0301iatua, une c\u00e9r\u00e9monie politique et spirituelle (Hiro’a n\u00b0 209 – Mai 2025)"},"content":{"rendered":"
Un nouveau livret rejoint aujourd'hui la collection \u00ab Te Hono'a U'i \u00bb, initie\u0301e par la Direction de la culture et du patrimoine. Intitule\u0301e Pa'iatua, cette publication est consacre\u0301e a\u0300 cette ce\u0301re\u0301monie sacre\u0301e, mise en lumie\u0300re gra\u0302ce aux travaux et e\u0301tudes re\u0301alise\u0301s par Hinatea Pambrun. L'ethnologue nous en apprend davantage sur ce rituel, aujourd'hui tre\u0300s peu connu, qui e\u0301tait pourtant conside\u0301re\u0301 comme l'un des plus importants en Polyne\u0301sie autrefois.<\/em><\/strong><\/p>\n<\/div>\n Qu'est-ce qui vous a motive\u0301 a\u0300 e\u0301crire sur la ce\u0301re\u0301monie du pa'iatua ?<\/strong><\/p>\n \u00ab J'ai e\u0301te\u0301 sollicite\u0301e par le magazine culturel Hi\u0304ro'a, qui cherchait a\u0300 documenter la ce\u0301re\u0301monie du pa'iatua<\/em> a\u0300 l'occasion du spectacle pre\u0301sente\u0301 par le groupe O Tahiti E de Marguerite Lai. Ce spectacle, pre\u0301sente\u0301 sur le marae<\/em> 'A\u0304rahurahu, visait a\u0300 rendre hommage a\u0300 cette ce\u0301re\u0301monie aujourd'hui disparue. L'initiative de la cheffe de groupe e\u0301tait profonde\u0301ment symbolique : il s'agissait de faire revivre, le temps d'une cre\u0301ation artistique, un rituel oublie\u0301 depuis l'e\u0301vange\u0301lisation de la socie\u0301te\u0301 polyne\u0301sienne en 1797. Ce contexte m'a donne\u0301 l'opportunite\u0301 d'approfondir ce pan du patrimoine immate\u0301riel, trop peu connu du grand public.<\/em> \u00bb<\/p>\n Pouvez-vous expliquer, en quelques mots simples, ce qu'est le pa'iatua ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Pour mieux comprendre ce qu'est le pa'iatua<\/em> et en saisir le sens, il est utile de commencer par une bre\u0300ve analyse e\u0301tymologique du terme. Le mot pa'i<\/em> signifie \"envelopper soigneusement quelque chose\", tandis que atua<\/em> se traduit par \"dieu\". Ainsi, le terme pa'i-atua<\/em> ou pa'iatua<\/em> peut e\u0302tre interpre\u0301te\u0301 comme \"le fait d'envelopper ou d'habiller les dieux avec soin\". Cette de\u0301finition sugge\u0300re d'emble\u0301e le caracte\u0300re rituel et sacre\u0301 de l'action, en lien direct avec les repre\u0301sentations divines, les to'o<\/em>. \u00bb<\/p>\n Quelle e\u0301tait l'importance de cette ce\u0301re\u0301monie dans la socie\u0301te\u0301 polyne\u0301sienne traditionnelle ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Le pa'iatua<\/em> faisait partie des plus grandes ce\u0301re\u0301monies religieuses de l'e\u0301poque pre\u0301-europe\u0301enne. Il s'agissait d'un e\u0301ve\u0301nement majeur consacre\u0301 au renouvellement du mana<\/em> divin, symbolise\u0301 par le de\u0301shabillage puis le re\u0301-enveloppement des to'o<\/em>, ces effigies sacre\u0301es repre\u0301sentant les divinite\u0301s. Mais au-dela\u0300 de sa porte\u0301e spirituelle, cette ce\u0301re\u0301monie reve\u0302tait e\u0301galement une dimension politique forte : elle offrait au ari'i<\/em>, l'occasion de manifester publiquement son autorite\u0301 et de re\u0301affirmer sa le\u0301gitimite\u0301 devant son peuple. Ainsi, a\u0300 travers ce rituel, pouvoir religieux et pouvoir politique e\u0301taient e\u0301troitement lie\u0301s. \u00bb<\/p>\n Pourquoi cette ce\u0301re\u0301monie se de\u0301roulait-elle uniquement sur les marae<\/em> nationaux ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Ces marae<\/em> e\u0301taient perc\u0327us comme les plus prestigieux sur le plan politique, et par conse\u0301quent, comme les plus sacre\u0301s.<\/p>\n<\/div>\n C'est en ces lieux que re\u0301sidaient les divinite\u0301s majeures et que se prenaient les de\u0301cisions religieuses et politiques les plus importantes d'un district. Le pa \u0301iatua, en tant que ce\u0301re\u0301monie de grande envergure, ne pouvait ainsi se de\u0301rouler que dans un espace dote\u0301 d'une autorite\u0301 spirituelle et politique supre\u0302me. \u00bb<\/p>\n Pouvez-vous nous parler de la symbolique du \u00ab de\u0301shabillage \u00bb et du \u00ab re\u0301-enveloppement \u00bb des dieux ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Au c\u0153ur de la ce\u0301re\u0301monie du pa'iatua<\/em>, deux gestes essentiels e\u0301taient accomplis : le de\u0301shabillage et le re\u0301-enveloppement des to'o<\/em>. Le de\u0301shabillage marquait la fin d'un cycle d'adoration : en retirant les ornements, on retirait aussi une partie du mana<\/em> temporairement, mettant ainsi les divinite\u0301s \"au repos\". C'e\u0301tait une manie\u0300re d'acter une transition spirituelle, de clore une phase d'adoration, et de purifier les effigies pour qu'un nouveau cycle puisse s'ouvrir. Le re\u0301-enveloppement, quant a\u0300 lui, permettait de redonner tout son mana<\/em> au to'o<\/em> en renouvelant ses parures. Ce geste symbolisait le de\u0301but d'un nouveau cycle, d'une nouvelle phase d'adoration. \u00bb<\/p>\n Comment les to'o<\/em> e\u0301taient-ils perc\u0327us par la population ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Les to'o<\/em> e\u0301taient bien plus que des objets ; ils incarnaient re\u0301ellement la pre\u0301sence de la divinite\u0301 qu'ils repre\u0301sentaient. Leur traitement rituel e\u0301tait donc extre\u0302mement codifie\u0301 et respecte\u0301, car il impliquait directement les forces surnaturelles. \u00bb<\/p>\n Quelle est, selon vous, la porte\u0301e spirituelle de cette ce\u0301re\u0301monie aujourd'hui ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Bien que la ce\u0301re\u0301monie du pa'iatua<\/em> ne soit plus pratique\u0301e depuis l'e\u0301vange\u0301lisation de 1797, elle conserve aujourd'hui une forte porte\u0301e spirituelle. Elle symbolise le renouvellement, la transmission, et le lien entre le visible et l'invisible. Ce rituel nous rappelle l'importance de l'e\u0301quilibre entre l'homme, la nature et le sacre\u0301, et peut inspirer une re\u0301flexion contemporaine sur l'ancrage culturel, la cohe\u0301sion communautaire, et la capacite\u0301 a\u0300 se re\u0301ge\u0301ne\u0301rer spirituellement. \u00bb<\/p>\n Sur quelles sources ou re\u0301fe\u0301rences vous e\u0302tes-vous appuye\u0301e pour re\u0301diger cet article ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Je me suis principalement appuye\u0301e sur les e\u0301crits de Teuira Henry, issus des collectes re\u0301alise\u0301es par son grand-pe\u0300re, le pasteur Orsmond, ainsi que sur l'ouvrage La de\u0301pouille des dieux de Babadzan. D'autres articles publie\u0301s m'ont e\u0301galement aide\u0301e dans la re\u0301daction de cet article. A\u0300 ma connaissance, il n'existe pas de recueil oral de\u0301taille\u0301 spe\u0301cifiquement consacre\u0301 a\u0300 la ce\u0301re\u0301monie du pa'iatua<\/em>, ce qui rend son e\u0301tude d'autant plus complexe. La plupart des personnes interroge\u0301es, lorsqu'elles en ont entendu parler, ne disposent que de fragments ou de bribes d'informations. C'est une ce\u0301re\u0301monie qui a presque sombre\u0301 dans l'oubli, et il semble aujourd'hui difficile, voire impossible, de retrouver quelqu'un capable d'en de\u0301crire avec pre\u0301cision le de\u0301roulement du de\u0301but a\u0300 la fin. \u00bb<\/p>\n<\/div>\n Avez-vous rencontre\u0301 des difficulte\u0301s pour documenter cette ce\u0301re\u0301monie ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Oui car les sources e\u0301crites sont parfois fragmentaires ou biaise\u0301es, et la transmission orale, bien que pre\u0301cieuse, est parfois difficile d'acce\u0300s. Il a fallu recouper les informations avec prudence et respect. \u00bb<\/p>\n<\/div>\n Les te\u0301moignages ou traditions orales ont-ils joue\u0301 un ro\u0302le dans votre travail ?<\/strong><\/p>\n \u00ab Dans le cadre de cet article, je n'ai pas eu l'opportunite\u0301 de consulter directement des personnes ressources, en raison du temps restreint mais aussi du caracte\u0300re tre\u0300s efface\u0301 de cette ce\u0301re\u0301monie dans la me\u0301moire collective. Aujourd'hui, rares sont les personnes ayant entendu parler du pa'iatua<\/em>, et celles qui en ont connaissance n'en gardent ge\u0301ne\u0301ralement que des bribes ou des souvenirs fragmentaires.<\/p>\n En revanche, l'ouvrage de Teuira Henry, qui a constitue\u0301 l'une de mes principales sources, repose en grande partie sur les collectes effectue\u0301es par son grand-pe\u0300re, le pasteur Orsmond, aupre\u0300s des anciens. Ce travail reste donc indirectement nourri par la tradition orale. Ne\u0301anmoins, il est important de garder un esprit critique sur ces sources. Les e\u0301crits des missionnaires ont souvent e\u0301te\u0301 produits dans une perspective d'e\u0301vange\u0301lisation, avec pour objectif d'e\u0301radiquer les anciennes croyances juge\u0301es \"pai\u0308ennes\". On peut donc le\u0301gitimement s'interroger sur la fide\u0301lite\u0301 de ces re\u0301cits a\u0300 la pense\u0301e ancestrale ma\u0304'ohi<\/em>. Ont-ils e\u0301te\u0301 alte\u0301re\u0301s, interpre\u0301te\u0301s ou me\u0302me partiellement censure\u0301s pour correspondre a\u0300 la vision occidentale et chre\u0301tienne dominante de l'e\u0301poque ? C'est une question fondamentale a\u0300 garder en te\u0302te lorsqu'on travaille sur ce type de sources. \u00bb \u25c6<\/p>\n<\/div>\n