Il fabrique des more à Huahine. Hubert Maitere alias Mahare, 51 ans, vend ses créations jusqu’à Tahiti. Il exporte un savoir-faire qu’il a hérité de son père, et qu’il a appris à force d’observation.
Pour le fare vāna’a, le more est « l’écorce interne du pūrau ou hibiscus sauvage (Hibiscus tiliaceus) avec laquelle on fabrique des cordes, des nattes, des costumes de danse et des tāma’a ou sandales ». Le ’ahu more est « le costume de danse fait avec cette écorce ». Dans le langage commun, le more est le costume de danse, la jupe que les troupes de danse commandent aux artisans de Tahiti et des îles, c’est l’art de Mahare.
Installé à Maeva, sur l’île de Huahine, il répète les gestes de son père, ceux qu’il a longtemps observés pour se les approprier. Il apprend vite et il n’a pas eu fort à faire pour acquérir le savoir-faire de son aîné. Il raconte, au passage : « avant, toutes les familles savaient faire des more, les troupes faisaient tout elles-mêmes ». Aujourd’hui, des artisans spécialisés ont pris le relai. Mahare, lui, a 51 ans et « cela fait à peu près 20 ans que je fais les more », rapporte-t-il. « J’ai appris tout seul, à force de regarder », souligne-t-il.
Il a d’abord répondu à des commandes de troupes de son île pour le Heiva puis, « grâce au bouche-à-oreille, j’ai commencé à envoyer à Tahiti ». Les demandes ont augmenté. Il est, par exemple, le fournisseur de la troupe O Tahiti E depuis dix ans. « Avant, elle se fournissait à Hawaii. » Le savoir-faire et l’exigence de Mahare sont reconnus. « J’appréhende toujours le retour des clients, mais jusque-là, ils sont contents à chaque fois », indique-t-il en toute humilité. Il prépare ce mois de novembre 200 costumes pour des danseuses et danseurs.
Il fabrique toutes les pièces lui-même, à partir d’une matière première qu’il va chercher à la source. « Il faut aimer la brousse et la nature, les moustiques, les guêpes et la pluie », plaisante-t-il. Il sort, dans la mesure du possible, lorsqu’il fait beau. Mais il lui arrive d’avoir à récolter l’écorce par jour de pluie. Muni d’un couteau, il gratte l’écorce extérieure des arbres sans les blesser afin de récupérer l’écorce intérieure. « Un peu comme si on pelait, mais on laisse les branches sur le pūrau », précise-t-il. Il lui importe de prendre soin de la ressource.
L’écorce intérieure est mise à tremper dans des paniers en nī’au, dans l’eau de mer pendant une ou deux semaines environ. « Cette étape permet notamment d’enlever la sève, elle ne laisse que la fibre que l’on met ensuite à sécher au vent. » Enfin, l’artisan blanchit le végétal, affine les fibres avant de passer au tressage pour les assembler. Mahare confectionne des more blancs de taille standard. Libre ensuite aux danseuses et danseurs de raccourcir les costumes ou de les colorer. « Ce qui me plaît surtout dans tout ça c’est de voir les troupes contentes quand elles réceptionnent mes envois. » Ce qu’il aime, c’est le travail bien fait et, en arrière-plan, faire vivre un savoir-faire indispensable à l’expression culturelle.


