Ce numéro de la newsletter du BAE vous présente un approfondissement sur le programme BEST. Vous trouverez ci-dessous une présentation du programme et des 6 lauréats de l’appel à propositions lancé en 2016 pour des petites subventions. L’article ci-dessous sera complété ensuite par l’ interview d’un membre de l’Association Rima’ura de Rimatara, bénéficiaire du programme BEST.

Le programme BEST 2.0 est un programme d’appui pour les Pays et Territoires d’Outre-Mer européens (PTOM) et leurs acteurs, soutenu par la Commission européenne dans le cadre de l’initiative B4Life (Biodiversity for Life). Le programme vise à promouvoir la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable des ressources naturelles et des services écologiques, ainsi que l’approche écosystémique pour l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets. Afin de pouvoir apporter des subventions, le Programme BEST 2.0 organise des appels à projets pour financer des actions de terrain, à la fois au niveau local et régional.

Deux appels à proposition ont été publiés en Polynésie française, en 2015 et en 2016.

Le premier appel à proposition a été publié en septembre 2015 et concernait les subventions moyennes, pour des projets entre 12 et 48 millions XPF. Deux  propositions ont été choisies par la Commission Européenne:

– la « Ceinture Bleue de Biodiversité du Pacifique », projet à l’échelle régionale proposé par le Secrétariat du Programme Régional Océanien de l’Environnement (PROE) et

– « Sauver de l’extinction les deux oiseaux les plus menacés de Polynésie française », présenté par l’Association Société d’Ornithologie de Polynésie MANU. Le premier projet avait pour objectif l’amélioration des connaissances sur les méthodologies les plus appropriées pour la gestion des Aires Marines Protégées dans le Pacifique et l’application de bonnes pratiques en matière d’écotourisme, notamment dans l’utilisation et la gestion des sentiers pédagogiques côtiers et sous-marins.

Le deuxième projet visait à contribuer à la sauvegarde du monarque de Fatu Hiva et du monarque de Tahiti en contrôlant les menaces de prédation de ces espèces tout en surveillant la taille de leur population et leur succès de reproduction.

Le deuxième appel à projets BEST 2.0 publié en avril 2016 concernait les petites subventions, pour des projets financés jusqu’à 12 millions XPF. Dans le cadre des petites subventions,  le programme a également mis à disposition des formations pour renforcer les capacités des petites organisations.

Ci-dessous une description des  6 projets qui ont été financés en Polynésie française suite à l’appel à proposition de 2016.

1. Tukemaragai: restauration écologique des petites îles du Sud-Est des Gambier – Commune des Gambier.

Le projet « Tukemaragai », financé par BEST à la hauteur de 9 millions XPF, est mis en œuvre depuis avril 2017 et jusqu’à septembre 2018 (18 mois) par la Commune des Gambier.

Le projet vise à restaurer l’habitat et l’avifaune de 3 îlots des Gambier : Manui, Kamaka et Makaroa, et plus particulièrement à reboiser les zones érodées et celles envahies par des plantes envahissantes ainsi qu’à inciter la nidification d’oiseaux marins. La stratégie déployée permet de produire en pépinière, planter et entretenir des milliers de plants d’essences forestières indigènes et endémiques dotées de nombreux usages traditionnels (bois de sculpture, produits de vannerie, graines et fruits comestibles, plantes médicinales et cosmétiques…) et qui sont de plus en plus rares à l’échelle de l’archipel des Gambier. La stratégie comprend également l’installation de dispositifs sonores et de terriers artificiels visant à l’attraction d’oiseaux marins nicheurs afin de favoriser le retour de certaines espèces particulièrement rares et menacées. Cette restauration a pour but de contribuer à terme à développer un écotourisme ornithologique ; enfin, par le reboisement de sols érodés, le projet contribue au maintien de la fertilité des sols de ces îles et de la qualité des eaux du lagon qui fournissent, elles-aussi, de nombreux services écosystémiques. La mise en œuvre du projet permet ainsi d’atténuer autant que possible les effets prévisibles du changement climatique. La participation de différentes parties prenantes dont les associations et les acteurs éducatifs permet de favoriser la sensibilisation aux enjeux de conservation de la biodiversité et des nombreux services rendus par les écosystèmes.

Contact : Pierre PAEAMARA, Commune des Gambier

mairiederikitea@mail.pf

2. Conservation des vestiges de forêts naturelles du plateau de Maraeti’a, vallée de la Punaruu, Tahiti –  Association Te rau atiati a tau a hiti noatu

Le projet « Conservation des vestiges de forêts naturelles du plateau de Maraeti’a, vallée de la Punaruu, Tahiti», financé par BEST à la hauteur de 6 millions XPF, est  mis en œuvre depuis avril 2017 et jusqu’en mars 2018 (12 mois) par Te rau atiati a tau a hiti noa tu (Union pour la sauvegarde de la nature) sur l’Île de Tahiti.

Ce projet vise à conserver et restaurer des forêts naturelles du plateau de Maraeti’a, un petit plateau d’une superficie de 20 hectares localisé dans la haute vallée de la Punaruu sur l’île de Tahiti. Le site est important d’un point de vue écologique et culturel ; il présente un vestige de forêt naturelle relativement bien préservé et unique en Polynésie française de par sa structure et sa composition floristique (il présente d’importantes populations d’espèces endémiques protégées et menacées de disparition), mais également des structures archéologiques intéressantes. Le milieu subit néanmoins des pressions de la part des espèces introduites envahissantes animales et végétales et est  menacé à moyen terme.

Le projet a pour but de contrôler les populations de rats à l’échelle du plateau afin de diminuer leurs impacts et promouvoir la conservation des espèces végétales endémiques menacées de disparition (sur les listes rouges de l’UICN en vulnerable, en danger ou en danger critique d’extinction) et classées en espèces protégées par la législation locale. Il s’appuie sur une combinaison de deux types de lutte, chimique et physique. La  lutte chimique, par l’utilisation de raticides, est utilisée dans un premier temps pour diminuer les effectifs de rats de manière drastique; elle sera remplacée par la suite par une lutte physique, impliquant l’utilisation de pièges, afin de maintenir les populations de rongeurs à un niveau acceptable d’une part, mais aussi pour ne pas développer de phénomènes de résistance aux raticides chez les rats d’autre part. Un suivi des opérations et de l’abondance des populations de rats est réalisé en parallèle, permettant d’évaluer le projet et d’adapter la méthode en conséquence. Outre le contrôle des populations de rats, il comprend également la mise en clôture du patch de forêt afin d’en exclure chèvres et cochons et la gestion, à l’échelle de la zone clôturée, des espèces végétales envahissantes.

Contact Ravahere TAPUTUARAI, Te rau atiati a tau a hiti noa tu

rtaputuarai@gmail.com  

 3. Conservation du Martin-chasseur de Niau, en danger critique d’extinction, par la communauté locale – Associations Vaitamae et la SOP MANU

 Le projet « Conservation du Martin-chasseur de Niau, en Danger Critique d’Extinction, par la Communauté Locale», financé par BEST à la hauteur d’environ 6 millions XPF, est  mis en œuvre depuis février 2017 et jusqu’en juillet 2018 (18 mois) par l’Association Vaitamae en partenariat avec la Société D’Ornithologie de Polynésie – Manu sur l’atoll de Niau, Îles Tuamotu.

Le Martin-chasseur de Niau n’existe plus que sur l’atoll de Niau, dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie française. Cette île fait également partie de la Réserve de Biosphère de Fakarava (UNESCO). Le risque de prédation du Martin-chasseur par les chats est le principal facteur limitant la croissance de la population identifié. Les juvéniles sont très vulnérables à la prédation. Un autre facteur limitant important est l’altération de l’habitat et la coupe des troncs morts de cocotier servant à l’établissement des nids. L’objectif principal de ce projet est de contribuer à augmenter les effectifs de cette espèce, estimés à seulement 144 individus en 2014 en agissant sur ses facteurs limitant et en impliquant la communauté locale. Les résultats principaux du projet concernent : • Réduction du risque de prédation du Martin-chasseur par les chats. • Evaluation des actions par monitoring des paramètres démographiques de l’espèce, permettant de suivre les effets des actions entreprises sur la survie et la reproduction de l’espèce. • Protection et prise en compte du Martin-chasseur de Niau dans les pratiques agricoles. Un travail d’implication des agriculteurs sera mis en place au cours du projet grâce à une charte de bonnes pratiques agricoles. Un broyeur de déchets végétaux sera également mis en place pour donner une alternative concrète à l’utilisation du feu pour le nettoyage des parcelles. Au sein du projet, le Plan d’Action Espèce du Martin-chasseur de Niau pour la période 2014-2018 sera évalué et révisé pour une nouvelle période de 5 ans. Enfin, des experts soutiendront les actions de contrôle des prédateurs et la révision du Plan d’Action.

Contact Kaola TEREROA, Association Vaitamae

vaitamae@mail.pf

 4. Renforcement des capacités locales pour la protection du patrimoine naturel terrestre de Rimatara – Association Rima’ura >> projet présenté dans l’interview avec Boniface Ioane, qui suit cet article.

 5. Hei Moana, Les sentinelles de l’Océan – Association Te mana o te moana

Le projet « Hei Moana, Les sentinelles de l’Océan», financé par BEST à la hauteur de 6 millions XPF, est  mis en œuvre depuis février 2017 et jusqu’en janvier 2018 (12 mois) par l’Association Te Mana O Te Moana, basée à Moorea.

Le milieu marin polynésien abrite plusieurs espèces marines emblématiques telles que les tortues marines ou les cétacés. Ces espèces, pour la plupart en danger d’extinction, sont intégralement protégées en Polynésie française. Cependant, de nombreuses activités anthropiques constituent une réelle menace pour celles-ci ainsi que pour les récifs coralliens. De plus la Polynésie française est très vulnérable face au changement climatique. Il est donc primordial d’optimiser l’implication des populations dans la nécessité de conserver durablement les ressources, mais aussi d’accroitre les programmes de recherche pour pallier aux lacunes d’informations élémentaires sur la biodiversité et enfin faire valoir les données de terrain en montrant leur importance.

Hei Moana est un projet regroupant différentes initiatives de sciences participatives liées au milieu  marin. Il vise l’éducation, la sensibilisation, l’implication du grand public et des scolaires dans  l’observation et la protection des espèces et écosystèmes marins menacés en Polynésie française à travers 3 groupes emblématiques: les tortues marines, les mammifères marins et les récifs coralliens.

L’idée est de fournir à tout habitant polynésien intéressé, compétences et outils nécessaires pour s’impliquer activement dans l’observation et la collecte de données sur le milieu marin. A travers la formation de référents et du corps enseignant, les enfants seront à leur tour impliqués et sensibilisés à la démarche. Pour aider, un livret regroupant les 3 thématiques, une charte de bonne conduite, des outils méthodologiques seront adaptés aux différents publics et disponibles en version numérique. Des formations et de séances d’animations seront mises en place pour les résidents, les membres de l’Education Nationale, les enfants, la Marine Nationale, les personnels communaux et ceux des entreprises partenaires, résidants de tous les archipels polynésiens. Le projet comprend des formations sur la reconnaissance des espèces de tortues marines présentes, la photo-identification des individus en mer mais aussi des femelles en ponte, la collecte d’information cruciale sur les sites de pontes dans tous les archipels polynésiens. Pour les mammifères marins, le projet alliera écotourisme et recueil de données d’observation, et contribuera à sensibiliser les plaisanciers aux règles d’approche. De plus, le projet sensibilisera la population à la protection des récifs coralliens et leurs menaces (blanchissement, apport terrigènes, pollution, érosion des plages, etc.), créera un réseau de surveillance participatif sur les récifs coralliens et sur la montée des eaux.

Contact Vie STABILE, Te Mana O Te Moana

Vie.temana@gmail.com

 6. Sauvegarde de la flore menacée de l’atoll soulevé de Anaa et définition de zones prioritaires de conservation basées sur la flore et la faune – Association Pu Tahi Haga no Ganaa

Crédit photo : Fonds Association Pu Tahi Haga no Ganaa

 Le projet « Sauvegarde de la flore menacée de l’atoll soulevé de Anaa et définition de zones prioritaires de conservation basées sur la flore et la faune », financé par BEST à la hauteur de 6 millions XPF, est  mis en œuvre depuis avril 2017 et jusqu’à mars 2018 (12 mois) par l’Association Pu Tahi Haga no Ganaa sur l’atoll de Anaa, aux Îles Tuamotu.

Le projet s’inscrit dans le contexte de la raréfaction des forêts naturelles d’atoll en raison de la coprahculture intensive et des incendies récurrents liés aux pratiques agricoles. La flore et la faune des atolls soulevés des Tuamotu (essentiellement Makatea, Niau, Anaa) sont beaucoup plus riches que celles des atolls bas voisins avec en général 2 à 3 fois plus de plantes indigènes et plusieurs plantes et oiseaux endémiques. A ce titre, et à l’échelle de l’archipel des Tuamotu, les actions de conservation concernant ces atolls sont une priorité.

Ce projet vise à sauvegarder la flore menacée de l’atoll de Anaa par la gestion in situ et ex situ de ces espèces, par la sauvegarde des formations naturelles les moins dégradées, par la préparation d’un projet de réintroduction d’un ptilope (pigeon vert) disséminateur des fruits de certaines espèces menacées et par des actions de communication auprès de la population. Les populations d’espèces végétales menacées déjà localisées font l’objet d’un recensement précis et d’une évaluation des menaces. Du matériel végétal (semences, plantules, boutures) est collecté afin d’être multiplié en pépinière. Les pieds obtenus seront ensuite réintroduits dans le milieu naturel ou plantés au sein d’une parcelle conservatoire et pédagogique située au village principal. Une étude de faisabilité et un plan opérationnel relatifs à la réintroduction du pigeon vert seront effectués. Les formations végétales les moins dégradées sont en train d’être déterminées par des inventaires ciblés de la malacofaune et de l’entomofaune. Les sites de conservation ainsi définis à l’échelle de l’île, feront l’objet de propositions de gestion auprès des propriétaires et des autorités, et de premières actions de conservation. Outre les actions de communication auprès des autorités (commune, pays) et des propriétaires de terrain comportant des formations et des espèces végétales patrimoniales, des actions sont menées plus largement auprès de la population et des scolaires (conférences publiques, intervention à l’école, visites botaniques, travaux pratiques en pépinière et en plantation…). Un parcours botanique sera également mis en place dans les reliques de forêts naturelles du village principal ainsi qu’au sein de la parcelle conservatoire.

Grâce à ce projet, les plantes utiles (alimentation, pharmacopée…), la ressource en eau (lentille) seront mieux préservées ainsi que les forêts se développant sur des formations coralliennes et agissant comme des digues de protection des zones habitées en cas de fortes houles, de dépressions ou encore de cyclones.

Contact : Maximilien HAUATA, Association Pu Tahi Haga no Ganaa

joana@mail.pf