Je suis très heureux de vous accueillir dans ce ministère qui est, comme je l’ai souvent dit depuis mon arrivée, la maison commune des ultramarins et donc celle de beaucoup d’entre vous puisque, venant de tous les départements et collectivités d’outre-mer, vous avez répondu nombreux à l’invitation que Fleur Pellerin et moi-même vous avons adressée pour parler d’un sujet d’avenir, le développement des communications électroniques à très-haut débit dans vos territoires.

Deux intervenants de haut-niveau, le directeur de la mission très-haut débit, M. Antoine DARODES, et le directeur général de l’ARCEP, M. Benoit LOUTREL, ont accepté d’animer cette journée et je les en remercie chaleureusement. Ils vous donneront tout à l’heure des informations précises sur deux sujets d’actualité, le plan du gouvernement pour le très-haut débit terrestre et le lancement de la téléphonie mobile 4G dans les outre-mer.

Avant de vous laisser débattre avec eux, je voudrais vous dire quelques mots sur les raisons pour lesquelles j’ai souhaité cette journée d’information qui doit aussi être une journée de mobilisation.

Depuis une quinzaine d’année, le développement universel de l’Internet a donné une réalité concrète et quotidienne au désormais célèbre « village planétaire », expression que Marshall Mac Luhan inventa dans années soixante pour désigner l’intégration culturelle des peuples encore balbutiante à l’époque mais qui allait, selon lui, s’amplifier avec l’accès universel à la télévision.

Mais, chacun voit bien que cette prophétie, encore incertaine au milieu du XXème siècle, à l’âge de la télévision hertzienne, a été confirmée au XXIème siècle avec l’apparition du monde virtuel de la toile. Le village planétaire existe aujourd’hui sur le web grâce à un réseau mondial de transport des signaux numériques qui recouvre désormais les cinq continents et traverse tous les océans.

Ce réseau et les fermes numériques qui stockent des données considérables, forment un ensemble que certains n’hésitent pas à appeler le « système nerveux de l’humanité », rapproche les populations en leur donnant accès à des services et des sources d’information unifiées.

Habiter le même village numérique planétaire, c’est acheter les mêmes objets et accéder aux mêmes services en ligne, c’est regarder les mêmes vidéos en ligne, accéder aux mêmes informations en temps réel, que ce soit sur un ordinateur fixe chez soi ou sur son téléphone mobile.

La question qui se pose à nous, ultramarins, est donc simple : allons-nous trouver notre place dans ce village planétaire ou resterons-nous en marge ?

Cette question n’est pas nouvelle même si elle se pose aujourd’hui sous une forme différente. Elle nous renvoie à notre condition d’habitants de petits territoires isolés et éloignés des grandes masses continentales.

J’inclus, dans cette description, la Guyane qui, certes, n’est pas une île classiquement entourée d’eau, mais qui, entre l’océan bleu au nord et l’océan vert de la forêt amazonienne au sud, est à bien des égards dans une situation quasi insulaire et ne profite pas encore pleinement de son appartenance au continent sud américain.

Au siècle dernier, c’était la question de la continuité territoriale physique qui a été l’enjeu principal avec les délais imposés par le transport maritime. Puis l’aérien a remplacé le maritime et c’est la question de son coût qui est devenue centrale.

A cette question que nous continuons d’affronter, s’ajoute désormais celle de la continuité territoriale numérique. Mais à la différence de la précédente, cette continuité ne se heurte pas à une fatalité géographique et peut trouver une solution à notre portée.

Le rétrécissement du monde que provoque le développement des échanges numériques en ligne est donc une grande chance pour nos territoires, qui souffrent historiquement du syndrome de l’isolement.

Certes, un certain nombre de départements ruraux de l’hexagone craignent aussi d’être victime de la fracture numérique et de rester une « zone blanche » trop peu peuplée pour rentabiliser les investissements des opérateurs de télécommunications privés.

Mais sans négliger cette inquiétude légitime, car épargner aux ruraux des déplacements terrestres en voiture ou en train est aussi un enjeu important, reconnaissons que l’enjeu est bien plus grand encore pour les outre-mer où il s’agit de faire l’économie de la traversée d’un océan.

Permettez-moi d’insister sur ce point qui une évidence mais qu’il faut continuer à marteler. Comme l’étymologie nous le rappelle, une île est un territoire par nature isolé : insula en latin, isla en espagnol et surtout isola en italien. Cela est tellement vrai que l’agence des Nations-Unies pour le développement a défini un indice d’isolement des territoires insulaires qui combine la taille de l’île, sa population et son éloignement du continent pour établir un classement.

Et nos outre-mer y figurent en bonne place car ils sont particulièrement excentrés. A Bruxelles, nos territoires ne sont pas appelés régions « ultrapériphériques » par hasard. L’adjectif n’est pas trop fort. Les outre-mer français sont bien plus éloignés de leur centre politique et économique que ne le sont, par exemple, les outre-mer espagnols ou portugais (les Canaries, les Açores et Madère).

Le très-haut débit peu améliorer cela.

Mais, me direz-vous, l’internet ce n’est pas nouveau. En outre-mer nous avons l’ADSL à haut-débit depuis des années. Qu’est-ce qui va changer avec le très haut-débit ?

Deux choses vont principalement changer et ces deux changements majeurs vont en entraîner beaucoup d’autres qui pourraient se révéler décisifs pour les outre-mer.

D’abord, avec le Très-Haut Débit, les flux sont potentiellement multipliés par 10, ce qui permet de généraliser les communications par la vidéo dans des conditions de conforts inégalées. Et la vidéo, c’est presque une présence physique.

Ensuite, le saut technologique du très-haut débit permettra au réseau d’offrir des flux symétriques et donc des possibilités d’interactivité et de travail en réseau entièrement nouvelles.

Comme vous le savez tous, dans l’acronyme ADSL, le A signifie « asymétrique », car les flux de l’internet classique sont fondamentalement déséquilibrés. En caricaturant un peu, on pourrait dire que beaucoup de gens reçoivent des vidéos et envoient modestement des courriels…

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La symétrie des flux va changer cela. Les études prospectives mettent en avant quelques exemples de nouveaux usages

1) La télémédecine. Des expériences étrangères montrent la voie. La Suède, qui a un grand territoire avec des zones presque vides, a engrangé des résultats encourageants, aussi bien pour le diagnostic à distance que pour l’accompagnement des malades.

2) La téléformation. Les formations en ligne se multiplient aujourd’hui mais elles ne sont pas ou sont peu interactives. Combiner large accès et interactivité demandera du débit. Mais quel changement pour nos territoires lorsqu’on pourra devant son écran accéder à des forums, des cours ou des conférences avec une qualité d’image et des conditions d’échange en temps réel inconnues aujourd’hui.

3) La formation professionnelle ou continue est également concernée. Pourquoi pas des stages ou des modules de stages entièrement en ligne.

4) La télé administration est également un service essentiel pour des populations éloignées de certains services publics. Mais pourquoi pas aussi des entretiens d’embauche en ligne ou une assistance technique ou du dépannage à distance.

Voilà autant de domaines qui pourraient être bouleversés par le très haut-débit. Créons l’outil, les besoins et les services suivront naturellement, y compris et surtout en outre-mer.

Le développement des infrastructures de THD est donc à la fois un défi et une chance pour les outre-mer.

Et ce défi doit être relevé d’abord en investissant dans les réseaux. Les réseaux terrestres en fibre, mais aussi les liaisons inter îles dans les archipels et le déploiement de la téléphonie mobile 4G. Tout cela à un coût, il faut faire les bons choix. Cette réunion est une étape importante pour mettre en marche et organiser la mise en oeuvre de ce plan.

Il faudra aussi se pencher rapidement sur la question du raccordement des outre-mer aux grands câbles sous-marins intercontinentaux. Ce n’est pas l’objet de la réunion d’aujourd’hui mais c’est un enjeu essentiel dont nous reparlerons. Le très-haut débit n’a de sens que si on peut sortir de son île. Les raccordements au web ne doivent donc pas être embouteillés, non sécurisés ou hors de prix.

Nous en reparlerons une autre fois, comme nous reparlerons des territoires du Pacifique qui ne sont pas concernés par cette première réunion mais que nous n’oublions pas.

Source Ministère outre-mer