Ce rapport « La Silver Économie, une opportunité de croissance pour la France » a été remis à Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie.
En 2005, un Français sur cinq était âgé de plus de 60 ans. En 2035, la proportion sera de un sur trois. Le nombre des seniors devrait connaître une hausse de 80 %. Ce vieillissement de nos sociétés a suscité de nombreux travaux mettant en évidence les enjeux et les risques que représente une telle mutation démographique. La plupart abordent la question par l’angle sociétal ou médico-social. Ce rapport a pour originalité de se fixer pour objet la valeur économique que peut receler le vieillissement. La proportion accrue de seniors va-t-elle servir de levier à des pans entiers de notre économie, qu’il s’agisse des services ou des technologies avancées, du type robotique ou domotique ? Peut-on envisager de bâtir une « industrie », au sens large du terme, qui valorise au mieux cette évolution majeure ? Si oui, quel rôle l’État doit-il y jouer ?

On est en droit de s’interroger sur la pertinence même de la démarche. Pour beaucoup, de manière instinctive, un pays vieillissant est un pays voué plus sûrement à la décroissance qu’à l’enrichissement. Aux yeux de la science, la mesure des impacts économiques de la démographie donne des résultats peu assurés, tant sur le plan théorique qu’empirique, comme l’a souligné le Conseil d’analyse économique. Une chose apparaît pourtant certaine : les seniors vont constituer un marché en expansion, et les entreprises auront intérêt non seulement à s’y adapter, mais à anticiper les besoins, les produits et les services si elles veulent profiter de cette manne.

Il y aurait aujourd’hui 900 millions de personnes âgées dans le monde. La France doit pousser ses avantages comparatifs face à une population mondiale qui vieillit. Depuis peu, une dynamique s’est créée qu’il faut amplifier et prolonger. Le champ ouvert par l’avancée en âge est énorme. Selon une enquête du Crédoc de 2010, les seniors assureront dès 2015 une majorité des dépenses sur les différents marchés : 64 % pour la santé, 60 % pour l’alimentation, 58 % l’équipement, 57 % les loisirs, 56 % des dépenses d’assurance… Déjà, ce sont les seniors qui déterminent une large majorité de la consommation française. Ces baby-boomers disposent globalement d’un pouvoir d’achat et d’une épargne qui dégagent un marché potentiel pour tous les secteurs de l’économie liée à l’âge : bien-être, adaptation et sécurisation du domicile,transports, loisirs, santé, équipements, etc.

Cette économie des seniors s’est déjà donnée un nom, la Silver Économie. En septembre 2012, la ministre des Personnes âgées et de l’Autonomie est à l’initiative d’une réflexion sur ce thème : des groupes de travail, auquel a pris part le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, se sont efforcés d’identifier les freins et les leviers de cette économie. Le CGSP a souhaité prolonger la réflexion. Le présent rapport définit dans un premier temps les contours de la Silver Économie, en s’interrogeant sur les spécificités de la demande et de l’offre. Dans un second temps, il cherche à identifier à quel niveau l’intervention de l’État se justifie sur ces segments de marchés et formule un certain nombre de préconisations.

Le rapport adopte deux partis pris. Le premier est d’accorder dans l’analyse une place décisive à la forte hétérogénéité de la population des seniors, qui se révèle à la fois dans les revenus et les patrimoines, dans l’état de santé ou l’espérance de vie. Cette hétérogénéité n’est pas sans présenter des risques importants pour notre société, car elle menace de rompre le contrat social associé à notre système de retraite. Mais dans l’optique économique retenue ici, proche d’un marketing stratégique, elle suppose surtout des différences marquées dans les besoins comme dans les comportements de consommation. Le leitmotiv du rapport est que la Silver Économie ne pourra émerger qu’en prenant appui, au moins dans un premier temps, sur les catégories les plus solvables de la population.

Le second parti pris est de chercher dans la Silver Économie ce qui peut être un levier pour l’ensemble de l’économie. Au premier regard, cette économie des seniors rassemble des activités très diverses voire disparates. Si elles rendent difficile l’emploi du terme « filière » à proprement parler, cette multiplicité et cette complexité imposent comme prioritaire la question de l’organisation de l’offre. Précisons s’il en est besoin qu’il conviendra de combiner cette stratégie industrielle avec une politique sociale et sociétale visant les plus fragilisés.

Si le vieillissement ne devient pas un facteur stratégique, nos entreprises perdront en compétitivité. Il y a là indéniablement un potentiel de croissance ; l’enjeu est de le réaliser, voire de le démultiplier par une action publique dédiée. La Silver Économie est un outil de compétitivité pour nos entreprises et nos territoires : il faut que toutes, grandes ou petites, privées et publiques, s’en saisissent.

Télécharger le rapport (en pdf)