Le pifao ou muti, jeter de sort ou magie noire

On trouve des indications sur le pïfao ou muti, l’acte de jeter un sort, grâce aux témoignages oraux ou écrits, aux légendes ; en langue polynésienne, des termes anciens, des constructions de phrases, des formules de narration, des terminologies archaïques sont autant de références à des us et coutumes, des savoirs et savoir- faire anciens qui ont pu ou non se maintenir dans les îles de Polynésie.

Selon les anciens Polynésiens, il y a te ao (le monde des vivants) et te po (le monde des besprits et des dieux, appelé aussi Havai’ï, Tonofiti). Sur les marae, on rendait hommage aux esprits qu’on nommait, et aux dieux. Selon les croyances, dieu envoyait les maladies, la guérison et la mort.

Jeter un sort

Quelqu’un de vivant ou un mort pouvait jeter un sort à un vivant avec ou sans l’aide d’un tahu’a (spécialiste) ; pour jeter un sort, il faisait des incantations demandant l’appui d’un esprit, d’un taura (esprit protecteur de famille), d’un dieu ; quand il prononçait des phrases magiques, l’ordre et la place des mots importait au point qu’une inversion pouvait rendre funeste une incantation bénéfique. Les tahu’a utilisaient des tupu (support pour jeter un sort): des cheveux, de la salive, des ongles, un tupumoea (natte ou morceau de natte) et ce, pour faire en fer un organe, rendre malade, faire mourir la personne à qui appartenait ces objets. Les tahu’a conservaient ces objets dans un pua-roa (panier des tahu’a). Poti’i-tarire était le dieu des tahu’a et Roa celui que les apa priaient pour contrer le tahu’a et les siens.

Conjurer un sort

On espérait que le taura ou esprit ou dieu invoqué apprécie les offrandes, les prières et agisse de sorte à rétablir le patient, le libérer de son entrave en annihilant l’effet du sort jeté à son encontre. Un ou plusieurs tahu’a organisaient le turo’o (cérémonie) pour un mort afin que celui-ci ne jette pas de ‘aiea (sort) aux vivants ni de ‘aiora (sort mortel). Si la famille pensait que la personne souffrait ou mourait d’un sort, les tahu’a prononçaient un tahurere (prière) pour le malade ou le défunt avant de jeter un sort à son ennemi. Dans ce cas les tahu’a étaient appelés ta’ati’i (qui conjurent). Si leur sort entrainait la mort de la personne ciblée,on les appelait alors rahu-pohe (qui sèment la mort). La première personne détruite par un tahu’a s’appellait tapoa. Les tahu’a qui conjuraient un terero (sort ; mar. kaha) tressaient le ‘aha (cordelette sacrée en bourre de coco), c’est pourquoi on les appelait aussi natinati-’aha. Si les conjureurs avaient des visions ou des dons, on les disait tahutahu (magiciens) ou hi’ohi’o (voyants). Pour se protéger pendant les rituels, lestahu’a portaient un hereti (ceinture deCordyline fruticosa) car les feuilles de ti sont réputées avoir une vertu sacrée et magique. d’un sort, le tahu’a devait le paipai (exorciser) afin de chasser le ihoihoa (esprit qui inige la maladie ou la mort aux vivants) ou le ‘oromatua (esprit aux dispositions malveillantes qui provoque la maladie). Pour ou matahiti (charme pour rompre un sort). L’expression ‘aitoa ! ou kaitoa ! qui signifielittéralement « mange le guerrier ! » était aussi un charme pour rompre un sort maison observe un glissement sémantique au cours des derniers siècles, aujourd’hui elle signifie davantage: « Bien fait !».Le autahu’a (ensemble des prêtres) pouvait décider de prier ou d’agir à l’unisson pour amplifier la portée de leur sort pour contrer et punir, d’une part l’attaquant, et d’autre part pour que leur protégé atteigne le moria (guérison d’une maladie grave). Les tahu’a aux aguets se « aient beaucoup à la manifestation des symptômes de la maladie et aussi aux mata-a-ta’o (présages) extérieurs tels que le cri d’un ‘otare (fauvette) au-dessus de quelqu’un, présage de mort. La coutume veut encore, selon les anciens, que lorsqu’une personne sent la présence indésirée d’un esprit, que les cheveux se dressent sur sa tête, que la chair de poule court sur son corps ou qu’elle sent une présence ou voit une apparition, elle injurie l’esprit en utilisant la formule ‘aitoa !, le chasse et retrousse son pareu pour lui montrer son séant et le faire fuir.