Toute la carte ethno archéologique de la Polynésie en un clic

RENCONTRE AVEC VINCENT  MAROLLEAU, ARCHEOLOGUE AU SEIN DE LA DIRECTION DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE DE LA POLYNESIE FRANCAISE. TEXTE : PAULINE STASI – PHOTOS : PAULINE STASI ET DCP

La Direction de la Culture et du Patrimoine s’est lancée depuis près d’un an dans un vaste chantier informatique : centraliser dans un nouveau et même logiciel toute la carte ethnologique et archéologique de la Polynésie française. Toutes ces données rassemblées et mises à jour devraient être opérationnelles au premier trimestre 2024.

Si Vincent Marolleau manie d’ordinaire avec minutie et délicatesse la truelle ou le pinceau lorsqu’il est sur un chantier de fouille, il est aussi à l’aise avec la souris d’un ordinateur pour un autre type de chantier, informatique celui-là ! Archéologue à la Direction de la Culture et du Patrimoine de Polynésie française, il s’occupe de la mise en place du nouveau logiciel qui permet de répertorier et de rassembler sur une même plateforme la carte ethnologique et archéologique de toute la Polynésie française. « On travaille depuis 20 ans sur une carte archéo qui fonctionne avec un vieux logiciel FileMaker. Ce logiciel avait été mis en place au tout début des années 2000 lors de la numérisation des archives du Pays et la création du service de la DCP. C’est l’archéologue Henri Marchesi à  l’époque qui avait été missionné pour organiser cela (…). Dans cette carte, les données archéologiques et ethnologiques ne sont pas répertoriées ensemble, mais elles sont séparées en deux fichiers distincts. C’est comme cela que l’on procédait à l’époque. On dispose de 5 694 fiches archéologiques et de plusieurs milliers en ethnographie. Mais ce logiciel est devenu obsolète », explique Vincent Marolleau.

Réaliser une double recherche

Ainsi jusqu’à maintenant, pour répondre à une demande d’information, sur un permis de construire par exemple, les archéologues de la DCP doivent réaliser une double recherche pour connaître la nature d’un lieu répertorié, s’il s’agit d’un site ethnologique ou d’un ancien marae, d’un tahua ou encore d’un fare taupe’e… Pour cela, ils doivent, d’une part, vérifier le logiciel qui répertorie les données archéologiques et d’autre part, ils doivent également se renseigner auprès du fichier ethnographique. « Par ailleurs, il faut cliquer sur chaque île, puis sur chaque dossier, sur chaque fiche… au total, il faut parfois cliquer 20 fois pour arriver à l’élément souhaité ».

Une perte de temps, sans compter que les données n’ont pas été forcément, au fil de toutes ces années, inventoriées de façons identiques. Par ailleurs, les informations sur les propriétaires où se trouvent certains sites, ont pu évoluer, tout comme les spécificités de chacun de ces lieux, qui ont pu également changer au fil du temps… « Le flamboyant ou les bougainvilliers ont pu être coupés », relève avec justesse l’archéologue.

Un outil de gestion du patrimoine

Mais surtout en deux décennies, les logiciels informatiques sont devenus beaucoup plus performants, aboutis et pratiques. La Direction de la Culture et du Patrimoine a donc décidé de se lancer en mars 2023 dans ce vaste chantier de refonte de cet outil de gestion du patrimoine en incorporant sur un seul et même logiciel toutes les données ethnographiques et archéologiques. Pour ce faire, le choix de la DCP s’est orienté vers un logiciel libre GGIS et s’est attelé à la tâche pendant un an. Car outre le transfert de chaque fiche dans le nouveau logiciel, elle a profité de ce passage pour mettre à jour et vérifier toutes les informations insérées dans chaque fiche. Pour la seconder dans cette mission, la Direction s’est notamment adjoint l’expertise d’une géomaticienne chargée de travailler au codage de la base de données.

Ensuite, un formulaire standard d’enregistrement téléchargeable a été créé pour permettre aux archéologues sur le terrain de remplir en temps réel directement en ligne via leur smartphone toutes les données concernant leurs travaux de fouilles. A savoir la nature du lieu prospecté, s’il s’agit d’un site archéologique ou ethnologique, ethno-archéologique ou encore historique. Ensuite, les archéologues collectent dans ce formulaire les données concernant la date de prospection, la localisation avec des précisions sur la longitude, la latitude, le relief géographique… ainsi que les descriptions, photos, et d’éventuelles vidéos des structures et sites.

Un « google » earth local

Une fois toutes ces données insérées dans le logiciel pour chaque fiche, l’outil de gestion du patrimoine se révèle alors beaucoup plus pertinent, précis et complet. Concrètement, une fois la création de son compte sur le logiciel, l’archéologue peut alors surfer sur la carte ethnoarchéologique de toute la Polynésie et zoomer sur le site d’une pierre à cupules aux Marquises, sur un marae à Maeva à Huahine en passant par une fouille d’ossements non loin de Taputapuātea à Raiatea, trouvant à chaque fois des informations complètes sur chacun des sites… Toute la Polynésie ethno-archéo à portée de clics ! ◆