Des panneaux ‘āpī pour découvrir l’histoire du marae Paruai 

RENCONTRE AVEC BELONA MOU, ARCHEOLOGUE, ET JAMES TUERA, RESPONSABLE LOGISTIQUE A LA DIRECTION DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE. TEXTE : LUCIE CECCARELLI – PHOTOS : DCP

Le marae Paruai, situé à Teavaro à Moorea, sera bientôt doté de panneaux explicatifs permettant de découvrir l’histoire et les légendes de ce lieu unique. Après l’avoir restauré l’an dernier, il s’agit à présent pour la Direction de la culture et du patrimoine de valoriser ce site et de permettre à la population de se réapproprier son passé, tout en offrant aux visiteurs une immersion dans la Polynésie des ari΄i.

Un an après l’opération de restauration qui a permis de redonner ses lettres denoblesse au marae Paruai, situé dans la vallée de Vaipohe à Teavaro, six panneaux explicatifs seront prochainement installés sur le site. « Ce dispositif de communication joue un rôle important dans le cadre de nos missions de mise en valeur du patrimoine local et d’identification des biens culturels. Cette communication vise à décrire l’espace et les atouts de ce lieu exceptionnel afin de le faire connaître à un large public. La valorisation de notre patrimoine contribue au développement de notre pays au même titre que sa gestion et sa protection », explique James Tuera, responsable logistique à la Direction de la culture et du patrimoine (DCP). Ces panneaux trouveront donc leur place à proximité des éléments importants du marae (site, pierres, cheminement, arbre…).

« Bien que le marae soit un site classé, il se trouve sur un terrain familial privé. Il est ouvert au public mais il est préférable de contacter les membres de l’association familiale Paruai pour y accéder (via la page Facebook Marae paru’ai où figurent également leurs coordonnées téléphoniques, NDLR). Ces derniers sont à même de guider le public et de rendre la visite agréable et plus interactive car ils connaissent très bien leur vallée. Certains membres de l’association ont participé au chantier de fouilles et de restauration l’an dernier et peuvent ainsi transmettre leurs connaissances », explique l’archéologue Belona Mou.

Un site qui reste à découvrir

L’opération de restauration de ce marae, jusqu’alors laissé à l’abandon et recouvert par la végétation, a été commanditée par la DCP, avec l’accord des propriétaires et des tāvana, et menée par l’archéologue Moohono Niva au premier trimestre 2023. Si elle est aujourd’hui achevée, il reste néanmoins d’autres structures à restaurer autour du marae, telles que des plateformes et des terrasses agricoles et d’habitat, qui permettraient d’obtenir une meilleure vision d’ensemble du site. « Suite à l’implantation de ces panneaux qui permettent de documenter le site, l’association Paruai prévoit notamment de replanter autour du marae des essences locales et des plantes de la pharmacopée traditionnelle. Elle se charge également de l’entretien régulier du site », poursuit Belona Mou. Pour y accéder, on emprunte un chemin riche en légendes qui permet également de découvrir deux vestiges importants de la tradition orale de Moorea, Ofai Tahinu et Ofai Pahu (lire plus loin la légende du tambour sacré de Honoura).

Chaque panneau installé sur le site traite d’une thématique différente, expliquée en tahitien, français et anglais. L’un d’entre eux évoque la géographie de l’île et de la vallée de Vaipohe, qui se trouve sur le territoire de Vaiare. Traversée par la rivière Paetaha ainsi que par un sentier pédestre qui mène à la baie de Paopao (en franchissant la crête), cette vallée abrite de nombreux ensembles archéologiques, dont le marae Paruai. On apprend ainsi que les anciens ont innové en aménageant ce dernier à 35 mètres d’altitude, sur une pente de 6 mètres de dénivelé.

Environnement, archéologie et traditions orales

Un deuxième panneau expose de manière générale l’histoire et la fonction des marae. Une photo légendée de celui de Paruai et une reconstitution d’époque permettent d’en identifier les différents éléments. Le troisième panneau décrit précisément le site de Paruai ainsi que son évolution au fil du temps, et le replace ainsi dans son contexte archéologique et ethnologique.

Enfin, les trois derniers panneaux mettent en valeur la tradition orale polynésienne. L’un d’eux retranscrit les paroles du chant des marae tandis que les autres racontent deux légendes du lieu liées à Vahineura, qui utilisait sa beauté pour attirer les guerriers dans la forêt et les épuiser sexuellement afin que son époux, le guerrier Parau, les tue. Étymologiquement, le nom du marae, Paruai, renvoie à l’appétence sexuelle.

Un dernier panneau, installé à proximité d’un rocher percé, revient plus précisément sur l’histoire d’amour qui naquit entre Vahineura et Honoura, un grand héros de Tautira, le seul qui ne fut pas mis à mort par la belle. Témoignage de leur idylle, le tambour en pierre offert par le guerrier à sa bien-aimée trône toujours parmi la végétation et a donné lieu à la légende du tambour sacré. Une façon poétique de conclure la visite du marae, en s’imprégnant de l’atmosphère unique qui y règne… ◆

Un marae prestigieux et classé

Le marae Paruai mesure 28,75 mètres de longueur et 14,60 mètres de largeur. « Il ne fait pas partie des tout premiers marae répertoriés par l’archéologue américain Kenneth Emory lors de sa mission à Moorea pour le Bishop Museum de Honolulu dans les années 1920. C’était pourtant un grand marae prestigieux avec un ahu (plateforme, autel, NDLR) à gradins, une cour pavée et des murs en pierres à bossage, signes que ce monument était un marae ari΄i. Il était connu de la population de Moorea puisqu’en 1952, il a intégré la liste des sites classés du Pays en vue de sa protection », explique l’archéologue Belona Mou. C’est grâce à ce statut que la DCP a pu le restaurer, dans le cadre de ses missions de conservation et de valorisation du patrimoine culturel polynésien.