Les sites et monuments classés sont-ils en bonne santé ?

RENCONTRE AVEC BELONA MOU, ARCHEOLOGUE A LA DIRECTION DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE. TEXTE : TIPHAINE ISSELE – PHOTOS ET CARTE : MOOHONO NIVA/DCP 2023

Les sites et monuments classés de Tahiti et Moorea ont fait l’objet en 2023 d’un bilan sanitaire afin que la Direction de la Culture et du Patrimoine évalue leur état de conservation. Cette année, ce sera au tour des sites et monuments des Marquises et des îles Sous-le-Vent d’être passés en revue.

Plus de vingt ans que les sites et monuments classés de Tahiti n’avaient pas été auscultés. C’est chose faite depuis l’année dernière. La Direction de la Culture et du Patrimoine (DCP) – Te Papa Hiro΄a ΄E Faufa΄a Tumu a réalisé un bilan sanitaire de ces endroits remarquables à Tahiti et Moorea.

« Il y a environ 200 sites classés au patrimoine culturel aujourd’hui. Les tout premiers sites ont été classés en 1952 suite au décret du 25 août 1937 qui promulguait, dans les Établissements français de l’Océanie, l’institution d’une liste de monuments et sites dont la conservation ou la préservation présentait un intérêt artistique historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. C’est ainsi qu’en 1952, 148 monuments et sites ont été classés, en vue de leur protection, aux îles du Vent (Tahiti et Moorea), aux îles Sous-le-Vent (Ra΄iātea, Huahine et Bora Bora) et aux îles Marquises (Nuku Hiva, Ua Huka, Ua Pou, Hiva Oa, Tahuata et Fatu Hiva). Cet arrêté fut suivi trois mois plus tard par un arrêté classant 42 monuments lithiques des îles Australes (Tubuai, Raivavae, Rimatara, Rurutu et Rapa) », rappelle Belona Mou, archéologue à la DCP, avant de poursuivre : « Par la suite, d’autres sites classés sont venus grossir cette liste comme la maison de James Norman Hall à Arue, la cathédrale Saint-Michel de Rikitea et le couvent de Rouru (tous les deux à Mangareva aux îles Gambier), le complexe archéologique Te Ana Huiari΄i à Huahine, le monument aux morts de la Grande Guerre à Papeete, le tahua-marae Taputapuātea à Ra΄iātea (dans le cadre du classement à l’Unesco), le fortin Pare iti à Punaauia, les trois tiki de Raivavae et quinze canons datant du XIXe siècle. »

Aucun site ou monument classé ne se situe dans l’archipel des Tuamotu. Cependant, la DCP a pour mission d’inverser cette particularité.

Quatre-vingt-sept sites auscultés

« En 2002, il y a eu un premier bilan sanitaire des 31 sites classés de Tahiti, situés dans la grande agglomération de Papeete, allant de Mahina à Papara. Sur ces 31 sites classés, 20 étaient encore conservés bien que leur état de conservation soit moyen », se remémore Belona Mou.

« Un peu plus de vingt ans après ce premier bilan sanitaire, la nécessité de dresser un état des lieux devenait impérieuse. C’est la raison pour laquelle la DCP a lancé en  fin d’année 2023 la réalisation du bilan sanitaire des sites classés des îles de Tahiti (68 sites) et Moorea (19 sites). Ils sont situés un peu partout sur les deux îles, sur le littoral donc faciles d’accès, comme le marae Arahurahu de Paea ou le marae Nuutere à Vaira΄o), ou en fond de vallée (ex : la vallée de Punaru΄u, la haute vallée de Papeno΄o), plus difficile à atteindre », détaille l’archéologue qui explique cette longue attente par un manque de moyens humains et financiers.

« Après un appel d’offres lancé auprès des archéologues indépendants de la place, la DCP a confié cette mission à l’archéologue Moohono Niva qui a eu la lourde tâche de parcourir les deux îles et de réaliser ce bilan sanitaire. Une des difficultés de ce bilan était de recouper les données bibliographiques avec celles du terrain. En effet, la liste des sites classés de 1952 ne mentionnait pas exactement leur position géographique. Et avec le temps, les personnes sources de 1952 ont disparu et la génération actuelle n’est pas toujours au fait de la présence ou du nom d’un patrimoine classé dans leur commune ou même sur leur terre », résume la scientifique.

Le bilan sanitaire a ainsi « montré beaucoup plus de destruction des sites classés à Tahiti qu’à Moorea, bien évidemment due à l’urbanisation galopante de l’île principale. Environ 40 % des sites classés de Tahiti sont détruits par rapport à 10 % à Moorea ». Cette année, la DCP va continuer à réaliser des bilans sanitaires des monuments et sites classés des îles Marquises et également des îles Sous-le-Vent. Puis en 2025, ceux des îles Australes auront droit
à leur auscultation.