Trente-huit légendes de Maupiti réunies dans un recueil

RENCONTRE AVEC JAMES TUERA? RESPONSABLE LOGISTIQUE A LA DIRECTION DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE. TEXTE : LUCIE CECCARELLI ET DCP

Sixième livret de la série « La Polynésie, Terre de légendes », le nouveau recueil édité par la Direction de la culture et du patrimoine met à l’honneur Maupiti. Cette île, également appelée Maurua de son nom mythique, est ici racontée par Papa Maui à travers 38 « récits merveilleux », illustrés par de jeunes artistes de  Tahiti et de Maupiti même.

Après Teahūpo΄o, Taputapuātea, Tautira, Fatu Iva et Bora Bora, c’est à l’île de Maupiti, aux confins de la Société, qu’est consacré le nouveau livret de la série « La Polynésie, Terre de légendes », édité par la Direction de la culture et du patrimoine (DCP). « Ces récits merveilleux, modelés par l’imagination populaire ou simplement issus de la création poétique, parlent d’un lieu, de sa toponymie, d’un fait ou directement des coutumes. Ces récits sont ainsi fixés par écrit, parfois modifiés, pour signifier que la langue est vivante », explique James Tuera, responsable logistique à la DCP.

Dans ce nouveau recueil figurent 38 textes, parmi lesquels des légendes, des poésies, des chants rythmiques, des récitations déictiques ou encore des hymnes patriotiques, qui mettent en valeur les attributs d’un lieu et d’un maître. Les thèmes abordés sont donc très variés et oscillent entre mythes fondateurs (lire l’encadré sur Maurua, nom mythique de Maupiti, page 12), batailles ou encore techniques de la vie quotidienne (pêche, préparation du coco, pirogue…). Ils sont écrits en français, tahitien et anglais.

C’est Honoré Taputu qui a retranscrit les récits contés par Maui Tauirai, dit Papa Maui, qui lui-même les avait reçus de son père et
de son grand-père, selon une longue tradition orale familiale. « Maui Tauirai vénère son île qu’il connaît sur le bout des doigts. Il faut être né là-bas pour mesurer l’impact de ce glorieux passé et apprécier son authentique mana. Quand il raconte les récits traditionnels qu’il a entendus de son grand-père, Puarai Tetauira, ou lorsqu’il déclame les préceptes avisés acquis auprès de son père biologique, Marere Tauirai, il vibre au plaisir de partager ses émotions… Honoré Taputu a écouté avec délectation tous ces récits de la bouche de Maui Tauirai. En cosignant cet ouvrage, les auteurs ont souhaité mettre en valeur la richesse culturelle de Maupiti, mais aussi laisser un bel héritage aux générations futures », peut-on lire dans l’hommage qui est rendu à Papa Maui en prologue.

« Les traditions ne meurent jamais »

Pour accompagner ces récits, quatre artistes ont été sollicités afin de créer les visuels du livret et ainsi aider le lecteur à mieux comprendre le sens des textes, en utilisant beaucoup le symbolisme. Sarah Viault, peintre et graffeuse notamment connue pour ses affiches écologiques et ses fresques murales, a illustré la couverture et le dos du recueil, tandis que Leia Chang Soi, dessinatrice et vidéaste prolifique, mais aussi Benjamin Loyat et Leilani Taputu, artistes de Maupiti, ont poétiquement mis en image les récits.

« L’objectif final de ces parutions est d’apporter la preuve que les traditions ne meurent jamais, que le patrimoine culturel d’un peuple s’enrichit de l’accroissement de ses connaissances et de l’évolution de ses pratiques et sa création artistique. Ces textes montrent qu’il n’y a pas de démarcations entre tradition et modernité », conclut James Tuera.

Ce nouveau livret devrait être notamment distribué aux enseignants des premier et second degrés car il s’adresse avant tout aux jeunes Polynésiens, afin de perpétuer la tradition orale et de les inciter à poursuivre cette démarche de (re)connaissance de leur terre d’origine. Il sera également téléchargeable sur le site www.servicepublic. pf/dcp/livrets-de-legendes. Puis ce sera au tour de la commune de Mahina de révéler tous ses mythes dans une prochaine parution… ◆

Le mythe de « Maurua i te Rārāvaru »

Aux temps anciens, au large du sombre océan, était une terre. Deux personnes y habitaient, Tea΄e Tapu Tane et Tea΄e Tapu Vahine. Ce couple mit au monde six enfants. L’aînée de la fratrie était une fille, Teroro Ahu Ata Teura Fa΄atiu, les cadets étaient les jumeaux Hotutavaeroa et Hotuparaoa, puis il y eut le troisième garçon, Taharae. Enfin, le couple eut deux filles, Mou΄afarefare et Apo΄ota΄a. En grandissant, les trois garçons devinrent de grands et forts guerriers. Teroro Ahu Ata Teura Fa΄atiu, la grande soeur, qui voulait tester la force de ses petits frères, exigea de ses deux autres soeurs de rester assises au sommet de la montagne. Comme elle était maligne, Teroro Ahu Ata Teura Fa΄atiu décida de venir à bout de son plan machiavélique. Elle prit trois calebasses qu’elle troua puis attendit le soir. À la nuit tombée, elle convoqua ses trois frères, qui répondirent évidemment présent à cet appel puisqu’ils aimaient leur grande soeur. Teroro Ahu Ata Teura Fa΄atiu s’exclama alors : « Nos parents ont besoin d’eau de mer. » Aussitôt, elle prit une calebasse qu’elle donna à Hotutavaeroa en lui disant : « Tu iras au nord pour la remplir d’eau de mer. » Elle prit la deuxième calebasse et la donna à Hotuparaoa en lui disant : « Tu iras à l’est pour la remplir d’eau de mer. » La troisième, elle la donna à Taharae en lui ordonnant : « Tu iras à l’ouest pour la remplir d’eau de mer. » Ainsi, les trois frères furent en charge de cette mission. À leur arrivée au rivage, ils prirent chacun leur calebasse puis la remplirent d’eau. Tandis qu’ils retournaient auprès de leur soeur pour la lui rapporter, l’eau s’était déjà écoulée. Ils retournèrent sur le rivage pour remplir leur calebasse d’eau, mais à mesure qu’ils revenaient, leur calebasse continuait de se vider. Les trois frères firent des allers-retours jusqu’au lever du jour. Finalement, deux d’entre eux restèrent bloqués sur le rivage. « À jamais vous resterez bloqués en bord de mer. » Du fait qu’ils aient été deux à avoir été bloquésen bord de mer, cette île fut appelée Maurua, puis Maupiti. Quant à Taharae, il resta bloqué à jamais à l’endroit où le soleil se couche. Teroro Ahu Ata Teura Fa΄atiu triompha. Au sommet de l’île, elle et ses soeurs resteront assises et seront surnommées Te Mata Purotu o te Vahine Maurua.