Les sites classés des Îles Sous-le-Vent passés à la loupe (Hiro’a n° 203 – Novembre 2024)

À la demande de la Direction de la culture et du patrimoine, l’archéologue polynésienne Coralie Perrin a réalisé le bilan sanitaire des sites et monuments classés pour les îles Sous-le-Vent. Conduit pendant plus d’un mois, du 5 août au 16 septembre, ce diagnostic a permis d’évaluer l’état de conservation et de préconiser des recommandations afin de préserver au mieux pour les années à venir ce patrimoine riche, mais fragile.

Combien de sites et monuments classés sont concernés par ce bilan sanitaire ?

« Les îles Sous-le-Vent abritent 64  sites archéologiques et un monument classés, une stèle du navigateur Alain Gerbault. Les sites classés sont principalement des marae et leurs structures associées, ainsi que des plateformes d’offrandes, de sépultures ».

Où se trouvent ces sites et ce monument ?

« Seules trois îles des îles Sous-le-Vent sont concernées par ce bilan sanitaire. Il s’agit de Huahine, Ra΄iātea et Bora Bora. La plupart de ces sites sont classés depuis le 23 juin 1952. Depuis le 10 décembre 2002, le complexe composant le marae de Te ana Huiari΄i à Huahine est classé et depuis le 16  février 2017, les sites constituant le  tahua marae Taputapuātea à Ra΄iātea. Au total, cela représente 48 sites classés à Huahine, 13 à Ra΄iātea et 4 à Bora Bora ».

Quelle était votre feuille de route ?

« La feuille de route pour le bilan sanitaire comprenait plusieurs étapes clés. Tout d’abord, il s’agissait d’effectuer le récolement des informations portant sur les sites et monuments classés au sein des locaux de la DCP. Puis de procéder à l’identification des sites à évaluer en faisant le recensement des marae et du monument classés sur chaque île. Ensuite, je devais établir une évaluation de l’état de conservation en inspectant les structures afin d’observer les dégradations. L’étape suivante concernait la documentation. Enfin, il s’agissait de rédiger des recommandations avec des propositions de mesures de conservation et de restauration adaptées à chaque situation ».

Comment procédez-vous concrètement pour établir ce bilan sanitaire ?

« Plusieurs étapes pratiques sont suivies. La première : les visites de terrain. S’ils sont sur des terrains privés, je préviens toujours les propriétaires de ma venue. Chaque site est inspecté pour observer son état de conservation et noter les éventuels dommages. Ensuite, il faut procéder aux relevés photographiques et cartographiques. Ils permettent de documenter précisément l’état des structures et leur environnement. Enfin, il faut procéder à l’évaluation des menaces, cela passe par l’identification des impacts, tels que l’érosion, la végétation invasive, les constructions non réglementées et le tourisme non contrôlé ».

Quelles sont les difficultés rencontrées pour réaliser ce bilan ?

« Le bilan n’a pas posé de difficultés particulières. Excepté peut-être à Huahine sur les sites de Te ana Huiari΄i, qui n’avaient as été identifiés un à un. Il a fallu les retrouver sur le terrain en nous enfonçant dans une végétation invasive intense. Grâce au travail réalisé par le professeur Sinoto, nous avons pu retrouver chaque structure. J’ai été aidée sur le terrain à Huahine par deux personnes passionnées, Tonina Ariitai et Giovani Tainanuarii ».

Dans quel état sont tous ces sites ?

« L’état des sites diffère. Certains sites sont dans un état satisfaisant mais à risque. Comme par exemple, le marae Tainu΄u à Ra΄iātea qui présente un état de conservation relativement stable, mais il est menacé par la végétation et l’activité humaine. D’autres sites, même s’ils sont encore en bon état structurel, subissent néanmoins les effets de l’érosion, des dégradations humaines et de la végétation non contrôlée. Enfin, certains sont endommagés. C’est le cas de certains marae qui sont affectés par les constructions non réglementées et nécessitent une restauration, comme celui de Temaruteaoa à Bora Bora ».

Quel est l’état du monument ?

« Le monument d’Alain Gerbault, situé à Vaitape à Bora Bora, est en bon état ».

Quelles sont les recommandations préconisées ?

« Elles sont nombreuses et diverses. Les recommandations principales incluent la gestion de la végétation. Il faut retirer les arbres et arbustes poussant sur les structures, notamment sur le ahu du marae Tainu΄u à Ra΄iātea ou sur les sites de Te ana à Huahine, et mettre en place un plan de suivi pour contrôler la croissance de la végétation. Je préconise la restauration des structures endommagées, il faut relever les dalles déplacées, remettre à niveau les plateformes et restaurer les pavages de corail et de basalte. Je recommande aussi la mise en place de périmètres de protection en définissant des zones de protection autour des sites, empêchant les activités susceptibles de les endommager. Il faut également travailler sur la sensibilisation et la signalisation en installant des panneaux d’information et des signalétiques interdisant de monter sur les marae. Je propose également de dialoguer, de travailler en collaboration avec les propriétaires pour les sensibiliser à la valeur des sites et les impliquer dans leur protection. Enfin, je préconise le retrait des infrastructures modernes en enlevant les tuyaux d’eau et les jardinières modernes sur les sites sacrés ».

Quel bilan faites-vous de cette étude sanitaire ?

« Le bilan de cette étude révèle un patrimoine riche mais fragile, nécessitant une vigilance accrue et des efforts de préservation renforcés. Si des avancées notables ont été réalisées, notamment en matière de restauration à Huahine et d’entretien à Ra΄iātea, de nombreux défis subsistent, comme la végétation invasive et les constructions non réglementées. La situation nécessite une coordination étroite entre la DCP, les propriétaires et les acteurs locaux (mairies, associations culturelles notamment) pour garantir la pérennité de ces sites. Les actions de sensibilisation, la mise en place de périmètres de protection et les restaurations spécifiques aux besoins de chaque site permettront de préserver ce patrimoine pour les générations futures. Cependant, il est essentiel de maintenir une évaluation continue et de s’adapter aux évolutions des menaces pour assurer une gestion durable de ces trésors culturels ».

D’autres bilans sanitaires sont-ils programmés ?

« Un bilan sanitaire est actuellement en cours aux Marquises et un autre est prévu prochainement aux Australes ». ◆