Firi Anoihi : cinq artistes polynésiens à la conquête de la cité internationale des arts – (Hiro'a n° 213 – Septembre 2025)
Firi Anoihi : cinq artistes polynésiens à la conquête de la cité internationale des arts – (Hiro'a n° 213 – Septembre 2025)
Créer, échanger, rayonner : c'est le pari du programme Firi Anoihi, qui envoie chaque année depuis 2021 cinq artistes polynésiens au cœur de la Cité internationale des arts, à Paris. Une immersion de trois mois pour faire vibrer la culture du fenua au contact du monde, et revenir chargés d'inspiration. Les lauréats 2025 sont prêts à franchir le pas.
Chaque année, le programme de résidence d'artistes porté par le ministère de la Culture et en collaboration avec l'État, la Cité internationale des arts de Paris et la compagnie aérienne Air Tahiti Nui, s'affirme un peu plus comme l'un des rendez-vous majeurs de la politique culturelle polynésienne.
Cette année, le programme prend le nom de Firi Anoihi, « le lien par l'art », en référence à la fresque du même nom, peinte sur les murs de la Cité par l'artiste AbuZe, lauréat de la première édition. Il offre à cinq artistes du fenua l'opportunité rare de vivre trois mois au cœur de Paris pour développer un projet, rencontrer des créateurs du monde entier et faire rayonner la culture polynésienne au-delà des océans.
En 2025, la sélection a été particulièrement exigeante : dix candidatures ont été étudiées et cinq lauréats retenus, choisis pour la complémentarité et la richesse de leurs univers. Les heureux élus sont :
- Ken Hardie, sculpteur, tourneur sur bois ;
- Guillaume Machenaud, sculpteur sur pierre ;
- Taunatere Terooatea, créatrice ;
- Tamatoa Teriierooiterai, créateur de mode ;
- Alexander Lee, artiste visuel, pluridisciplinaire.
Tous bénéficieront d'un aller-retour vers Paris offert par Air Tahiti Nui, d'un atelier-logement dans ce lieu mythique, ainsi que d'une bourse mensuelle autour de 190 000 Fcfp, afin de se consacrer pleinement à leur création. Ils seront accompagnés sur le plan artistique et professionnel par la Cité internationale des arts.
Un carrefour mondial de la créativité
Située au cœur de Paris, la Cité internationale des arts n'est pas seulement un hébergement pour artistes : c'est un laboratoire vivant. Chaque année, plus de 300 artistes venus de 88 pays s'y croisent et échangent techniques, savoir-faire et visions. Peintres, sculpteurs, musiciens, performeurs, photographes et designers y travaillent côte à côte, dans un bouillonnement culturel unique.
« Ce programme est un formidable accélérateur, souligne le ministre de la Culture, Ronny Teriiapia. Nous envoyons nos artistes dans un lieu stimulant, propice à la recherche et à la création. C'est aussi une manière de faire rayonner la culture polynésienne à l'international. »
Entre ancrage et ouverture au monde
Les projets portés par les lauréats mêlent ancrage culturel et ouverture internationale. L'un des sculpteurs souhaite créer une série d'œuvres inspirées de la faune marine polynésienne, alliant sculpture sur pierre, moulage et reproduction par sérigraphie. Son objectif : donner vie à des pièces modulables, adaptées à divers espaces d'exposition.
D'autres misent sur la collaboration. L'un des projets phares réunit sept artistes de disciplines différentes (bois, métal, céramique, textile…) pour co-créer des œuvres uniques, fusionnant leurs savoir-faire et leurs univers. « Tout le monde y gagne dans ce type de projet collaboratif », explique Ken Hardie. « C'est une chance d'apprendre, de transmettre et de créer un pont culturel entre Tahiti et Paris. »
Un investissement pour l'avenir culturel du fenua
Au-delà de l'expérience personnelle, les lauréats seront invités à partager leur aventure à leur retour sous forme d'expositions, d'ateliers ou de conférences… Des retombées qui profitent donc à l'ensemble du tissu culturel polynésien. À l'instar de l'auteur Jean-Christophe Shigetomi, lauréat de l'édition 2024 qui a pu concrétiser son projet d'écriture en complétant ses consultations et ses recherches historiques dans les centres archivistiques nationaux, mais aussi européens. Son ouvrage Tama'i, qui aborde les résistances armées ou passives aux protectorats et aux annexions des îles, sera l'une des nouveautés du Salon du livre cette année et une exposition est en cours à l'assemblée de la Polynésie française.
« Notre ambition, conclut le ministre, est de soutenir nos talents et de leur donner les moyens de se développer. Ces résidences sont des graines que nous plantons pour l'avenir artistique de notre pays. » Firi Anoihi n'est donc pas seulement un séjour à Paris. C'est une passerelle vivante entre le fenua et le monde, un lien tissé d'expériences, d'inspiration et de création partagée. ◆
Paroles d'artistes
Guillaume Machenaud – sculpteur sur pierre
« J'ai choisi de me spécialiser dans la pierre après avoir exploré la gravure et la sculpture sur bois. Cette résidence est un véritable tremplin, car l'international reste un défi, surtout avec les coûts d'expédition. J'ai envie de remettre en lumière certains motifs traditionnels, tombés dans l'oubli, pour que notre patrimoine vive et se renouvelle. »
Taunatere Terooatea – créatrice
« Trois mois, ça passe vite ! Mon objectif est de m'inspirer, de rencontrer, de tisser des liens… et peut-être de lancer des collaborations. Aux jeunes, je veux dire : restez curieux, persévérez, saisissez les opportunités. On a la chance d'être soutenus, et cet élan peut nous propulser vers nos rêves. »
Tamatoa Teriieroitea – créateur de mode
« Ce sera ma première fois dans l'Hexagone… Pour moi, c'est l'occasion de réaliser un rêve : approcher l'univers de la haute couture parisienne, découvrir ses coulisses et échanger avec d'autres créateurs. Mon ambition est claire : ramener des matériaux et des savoir-faire polynésiens pour apporter quelque chose de nouveau et inédit dans le monde de la haute couture internationale. Cette expérience va faire mûrir mon projet ultime : créer un jour mon propre défilé, en mêlant audace, héritage culturel et innovation. »