Jeunesse et culture (Hiro’a n°174 – Avril 2022)
Jeunesse et culture (Hiro’a n°174 – Avril 2022)
Des vestiges archéologiques abondants et révélateurs
La vallée d’Opunohu est la plus vaste, et sans doute la plus fertile de l’île de Moorea, de Vaipohe à Amehiti, elle occupe tout le cratère effondré de l’ancien volcan. Contrairement à ce qu’il est possible d’observer de nos jours, les vallées des Iles de la Société ont été souvent très peuplées avant l’arrivée des Européens. Les nombreux vestiges archéologiques mis au jour parfois fort loin à l’intérieur des terres, comme c’est le cas à Opunohu, en témoignent.
Les structures archéologiques visibles à Opunohu ont été restaurées en 1969 sous la direction du Dr. Y.H. Sinoto du Bishop Museum de Honolulu et sont régulièrement entretenus depuis. Elles ne représentent qu’une petite partie d’un très grand site d’habitat ancien. C’est au Pr. K.P. Emory que l’on doit, dès 1925, les premières investigations archéologiques de surface dans cette vallée.
Ce n’est qu’en 1960, trente cinq ans plus tard, que l’archéologue R.C. Green et son équipe ont pu y effectuer des recherches importantes et fructueuses.
Après dix mois d’efforts, plus de cinq cents structures ont été inventoriées, parmi lesquelles :
des petits marae familiaux et corporatifs,
de grands marae communautaires,
des habitations de type fare haupape ou fare pote’e,
de grandes maisons communautaires,
des plate-formes de réunion,
de nombreux aménagements de murs,
des terrasses agricoles,
ainsi que trois plate-formes de tir à l’arc.
Il faut souligner que grâce à ses découvertes sur le site d’Opunohu, R.C. Green a pu enrichir et nuancer la classification des structures archéologiques, et surtout la typologie existante pour les marae des Iles de la Société.
Etablie précédemment par le Pr. K.P. Emory, cette typologie était fondée sur le lien existant entre le style de la construction et sa localisation géographique, distinguant ainsi trois grand type de marae : les « marae côtiers », les « marae de l’intérieur », et les « marae intermédiaires ». Le marae Ahu-O-Mahine, construit loin à l’intérieur de la vallée, n’en est pas moins un parfait exemple de cette architecture de « type côtier ».
Marae Ahu o Mahine
Le nom d’origine de ce marae s’est perdu, la coutume a gardé celui de Mahine, le grand chef guerrier qui régna sur la vallée d’Opunohu à la fin du XVIIIe siècle. Ahu-o-Mahine est un marae unique en son genre dans la vallée de Opunohu, par son style de construction qui est en effet celui des marae côtiers des Iles de la Société.
On remarque la régularité des pierres basaltiques utilisées aussi bien pour la assises de l’ahu à trois degrés, que pour le parement externe de toute la cour du marae. La face visible des pierres est façonnée en arrondi, alors que la partie interne est plane sur quatre faces, ce qui améliore la stabilité de cette construction sans mortier. Sur la cour pavée, on compte deux pierres-dossiers et dix pierres dressées. Sur la gauche, à l’extérieur du marae, une petite aire pavée, à ras du sol, lui est probablement associée.
Ahu-O-Mahine est probablement le dernier des marae construits dans la vallée. Sa construction, typique de la culture tahitienne de la fin du XVIIIe siècle, correspond à la dernière période du développement de la communauté d’Opunohu.
Marae Afare’aito
L’un des mieux conservés de la vallée avant les travaux de restauration, ce marae fut érigé, selon la tradition, après la victoire des ari’i de Ha’apiti : les Marama, sur ceux d’Opunohu : les Atiro’o. Le nom d’Afareiato signifie « Maison des Guerriers ».
Le mur d’enceinte, à double parement, limite un cour pavée comportant cinq pierres dossiers et 13 pierres dressées. L’ahu est séparé du mur d’enceinte, et sa façade est constituée de deux assises de basalte, séparées par une assise de blocs de corail. Deux petites plate-formes pavées, contenant elles-aussi des pierres dressées sont attachées au marae sur la gauche du mur d’enceinte.
La proximité de deux plate-formes réservées au tir à l’arc, permet de supposer que le culte de Paruatetavae, dieu des archers, a pu être célébré sur le marae Afareaito, et que les arcs, flèches et vêtements cérémoniels des archers y étaient conservés.
Marae Tetiiroa
Titiroa est le nom de la terre sur laquelle le marae a été bâti.
Le mur d’enceinte est fait de blocs de basalte, la cour intérieure surélevée est partiellement pavée et contient 15 pierres dressées, 2 pierres dossiers, et 3 cistes rectangulaires bordées de dalles de corail. L’ahu est séparé du mur d’enceinte, et l’assisse supérieure de sa façade est probablement ornée de minces plaques de corail. Ce qui est une des caractéristiques des marae de l’intérieur aux Iles du Vent.
A proximité de ce marae, les fouilles archéologiques effectuées ont révélé que l’endroit a été occupé dès la fin du XVIè siècle, et de nombreuses traces de vie domestique datent du XVIIè siècle : charbons, trous de poteaux d’habitations, ou fosse de stockage de nourriture.
Au cours de la restauration du marae, deux squelettes humains incomplets, ont été mis au jour dans un angle du mur d’enceinte, à l’extérieur du marae : ainsi que d’autres vestiges, datant du XVIIIè siècle, ce qui correspond à l’époque de la construction du marae.
Les plates-formes de tir à l’arc
L’architecture des plates-formes de tir à l’arc est très particulière et se caractérise par la forme concave de la partie frontale, et l’angle, plus ou moins fermé vers l’arrière, que forment les côtés. A l’intérieur de ce triangle tronqué, un accès en forme de T délimite des surfaces de finitions différentes, avec ou sans pavages. Des pierres dressées, quelquefois sculptées, étaient placées dans les angles de la plate-forme, et la plus importante, au centre de l’arc rentrant, marque le place de l’archer.
Dans les vallées, ces plates-formes faisaient toujours face au flanc dégagé d’une colline, et sur la côte elles étaient orientées dans l’axe du rivage.
Construite le plus souvent en pierres de basalte, plus rarement en blocs de corail, l’ouvrage est peu élevé : une ou deux assises de pierres pour les plus basses, à moins d’un mètre pour les plus hautes.
Il en existe au moins trois dans la vallée d’Opunohu à Moorea, et cinq dans la vallée de la Papenoo à Tahiti. Plusieurs autres plates-formes de tir à l’arc ont été inventoriées, dans la presqu’île de Tahiti et dans différentes îles de l’Archipel de la Société. Ce type de plate-forme n’a pas été découvert ailleurs en Polynésie, tout comme la pratique du tir à l’arc, qui semble limitée à ce seul archipel, exception faite de Mangareva où il en existait même une tradition guerrière.