Mo’orea : un marae peut en cacher un autre (Hiro’a n°174 – Avril 2022)

Mo’orea : un marae peut en cacher un autre (Hiro’a n°174 – Avril 2022)

À Mo’orea, une demande de permis de construire a été déposée sur la commune de Haapiti par des particuliers. Elle concernait un terrain où se trouve actuellement le marae dit « Tefano ». Ce marae étant un site classé « protégé » et inscrit au Plan général d’aménagement (PGA) de Mo’orea, une étude archéologique s’imposait avant de pouvoir accorder le permis de construire. La Direction de la culture et du patrimoine (DCP) a lancé des appels d’offres aux archéologues et c’est Moohono Niva qui a été retenu. L’opération s’est déroulée en deux temps. Un diagnostic a été effectué de mai à juillet 2021. Et en décembre, des fouilles préventives ont été réalisées.

« La phase de diagnostic permet de confirmer l’intérêt ou non de faire une fouille », explique Moohono Niva. Le terrain fait 3 000 mètres carrés au total. La première phase s’est déroulée sur 200 à 300 mètres carrés autour du marae existant. « nous étions trois et nous avons, à cette occasion, trouvé un autre marae en creusant à environ un mètre de profondeur sous le pavage. nous sommes aussi tombés sur une pierre à bossage, c’est une pierre de forme ronde sans doute attribuée au dieu oro. » Le voisinage a fréquenté les lieux durant des années sans savoir, ni même se douter de l’existence d’une seconde structure.

L’équipe a utilisé durant cette phase une pelle mécanique. « sans elle, en travaillant seulement à la main, nous ne serions jamais tombés sur les vestiges qui attendaient là, sous le remblai. »

L’équipe n’a pas trouvé de ahu, mais elle a mis au jour des ossements humains au pied d’une pierre dressée, « ce qui signifiait qu’il s’agissait d’un lieu culturel d’importance ». Une deuxième phase de fouilles préventives a donc été engagée. Elle a été menée par une équipe de quatre personnes, escortée par les propriétaires, volontaires et motivés. L’équipe a utilisé des outils d’archéologie classiques, comme des truelles. Le terrain a été fouillé à 70 %.

Moohono Niva, s’appuyant sur les travaux de Claude Robineau et sur des comparai- sons avec le cadastre, émet l’hypothèse que le marae fouillé ne serait pas le marae Tefano. « il s’agirait plutôt du marae Tereia. » Le marae Tefano serait sans doute situé à 500 mètres, il appartenait à la grande famille Marama de Mo’orea. La terre s’appellerait Maraetefano, elle porterait le vestige de Tereia.

Après les fouilles, les recherches se poursuivent avec le traitement des données, la datation des ossements. Sur le terrain, les opérations sont terminées. Les propriétaires sont désormais autorisés à lancer la construction, en respectant certaines recommandations de la Direction de la culture et du patrimoine. « les gens pensent souvent que les fouilles archéologiques bloquent tout projet d’aménagement, ce n’est pas le cas », insiste Moohono Niva. Il ajoute que ce genre d’opération est important « pour ne pas rester dans les croyances ». « Cela redonne de la place à des marae qui parfois ont disparu et cela peut nous permettre de dater les sites lorsque c’est possible. nous manquons cruellement de dates dans l’archipel de la société », rappelle l’archéologue.