« La bringue est sacrée, vitale pour les Polynésiens » (Hiro’a n° 177 – Juillet 2022)

« La bringue est sacrée, vitale pour les Polynésiens » (Hiro’a n° 177 – Juillet 2022)

Ethnopsychologue et ethnopsychanalyste, Ernest Sin Chan vient de publier un nouvel essai intitulé Musique « locale » et identité polynésienne : entre tradition et modernité. L’auteur y aborde des thèmes qui lui sont chers, la musique locale comme un important marqueur identitaire, de transformation, de transmission dans la société mā’ohi.

Au départ, ce ne devait être qu’un article sur la transformation de la musique locale, mais les confinements et le Covid ont permis d’en faire un ouvrage entier de
200 pages ! Car le sujet est vaste et constitue une grande source d’inspiration pour Ernest Sin Chan, toujours avide de nouvelles recherches sur les questions identitaires. L’auteur, qui a déjà publié par le passé plusieurs ouvrages dont Identité hakka à Tahiti, se penche dans ce nouvel essai sur la musique locale. Elle l’a bercé depuis son enfance, séduit et capturé et il la voit comme un véritable marqueur de l’identité mā’ohi dans la société polynésienne. « Promouvoir, nourrir et transmettre la musique locale dans la transformation, entre tradition et modernité, c’est nourrir et affirmer
l’identité mā’ohi dans ses multiples sources et dans son évolution… », explique l’essayiste.

Pour l’auteur, la musique locale est comme un vrai miroir de la Polynésie, de son histoire, notamment coloniale. Pour le chercheur, la transformation de la musique accompagne la transformation de la société au fil des années. Car effectivement, que ce soit dans les paroles des chansons – avec l’utilisation très fréquente du mot fenua, révélateur de l’attachement des Polynésiens à la terre –, ou dans les instruments de musique traditionnels comme le ukulele et le vivo ou plus récemment comme les synthétiseurs et la guitare, la musique locale incarne à elle seule la Polynésie, son métissage, son passé et son présent. Elle se transforme au fil des années accompagnant la société, aidant à la transmission par l’oralité. « Les Polynésiens reprennent de vieux classiques de Cabrel, de Dalida comme Besame mucho, ou de Tino Rossi en les transformant en ‘made in fenua’ avec des paroles en reo, en ajoutant du ukulele. En réalité, ils
s’approprient ces chansons oubliant même qu’elles ne sont pas d’eux au départ », relève l’auteur.


Si Ernest Sin Chan aborde donc dans son essai de nombreux aspects passés et présents de la musique locale et son influence omniprésente dans la société, il s’attache aussi à montrer à quel point l’une des institutions de la Polynésie est absolument vitale pour la population : la bringue. « La bringue est sacrée, vitale pour les Polynésiens. Elle est le marqueur le plus puissant de l’identité l’âme mā’ohi. Chaque Polynésien est chanteur, danseur, musicien. La bringue
contribue au bien-être social, sans elle la société mā’ohi aurait du mal à survivre et pourrait mourir », note l’essayiste.