Le monument aux morts de Pape’ete se refait une beauté

Datant d’un peu plus d’un siècle, le monument aux morts de l’avenue Pouvana’a-a-O’opa, à Pape’ete, va faire l’objet d’une restauration qui doit durer deux mois. Philippe Plisson, restaurateur de monuments historiques, détaille ce chantier, commandé par la Direction de la culture et du patrimoine.

Comment cette restauration du monument aux morts de Pape’ete a-telle été décidée ?

« Le monument aux morts, oeuvre du sculpteur Galy, est arrivé à Tahiti en 1923. L’année dernière, c’était son centenaire et le ministère de la Culture a estimé qu’il méritait un nettoyage et une restauration. Classé au patrimoine culturel de la Polynésie française en 2003, il a entièrement été restauré cette annéelà. Aujourd’hui, il est admis qu’en termes de patrimoine bâti, une restauration dure entre vingt et vingt-cinq ans. La clé de la préservation du patrimoine, c’est l’entretien. Les bâtiments ou les monuments non entretenus se dégradent plus vite. »

Pourquoi cette restauration est-elle nécessaire ?

« Ce monument aux morts est situé en pleine ville. Il subit les conditions météorologiques et la pollution due à la circulation des véhicules. Les grands arbres à proximité déposent des végétaux et il est sujet à une grosse colonisation biologique. On a des mousses et toutes sortes de salissures dessus. Il y a aussi des fissures qui se créent dans les joints. Dans ces interstices, le vent ou les oiseaux peuvent y déposer des graines qui feront des racines pouvant endommager le monument. »

Quelles sont les différentes phases de cette restauration d’entretien ?

« Quand le monument est arrivé à Tahiti en 1923, il était en pièces détachées et il a été monté ici. La statuaire (la Marianne et son bouquet, le coq gaulois, les casques et le médaillon d’un portrait de soldat) était en plâtre pour une question de coût. Après la Grande Guerre, les communes françaises ont dû, par arrêté, se doter de monuments aux morts. Pape’ete, qui était la seule commune du fenua à cette époque-là, a commandé un monument en pierre reconstituée et en plâtre, ce qui était moins cher qu’un monument en pierre et en bronze. La statuaire en plâtre a été remplacée par des ornements en bronze lors de la restauration de 2003. Ils sont l’oeuvre du sculpteur Jean Cardot des ateliers Saint-Jacques des fonderies Coubertin.

Le protocole de restauration, prévu pour durer deux mois à partir du 1er mars, a été établi à partir d’un diagnostic sanitaire et prend en compte le fait qu’on a affaire à une pierre reconstituée et à du bronze. »

Quelle est la première étape ?

« Nous allons d’abord effectuer un nettoyage global du monument en faisant attention de bien séparer les pièces ornementales en bronze et la pierre. Sur le bronze, nous devrons faire attention parce que des cires colorées avaient été appliquées, il ne faut donc pas y aller avec un laveur haute pression de type Kärcher. Il va falloir travailler avec prudence en utilisant des brosses assez douces. »

Et ensuite ?

« Il va falloir décontaminer le monument en appliquant un biocide qui est d’un nouveau type. Il y a eu une petite partie recherche-étude pour appliquer le meilleur. Ce gel, mis au point récemment, est recommandé par le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) pour la restauration des oeuvres et monuments en calcaire et en marbre. Il est aussi compatible avec l’agriculture biologique et donc pas nocif pour l’environnement. »

Ce sera alors le moment de s’occuper du socle en pierre reconstituée…

« Exactement. Une fois le monument bien nettoyé, nous allons travailler sur les fissures, sur les joints et sur les zones cassées. Les fissures de l’ordre du millimètre vont être colmatées avec des mortiers assez fins. Un bureau d’études d’Arles spécialisé dans la pierre et le patrimoine, Aslé Conseil, nous a apporté son expertise et nous aidera pour la formulation de ces mortiers. Nous sommes vraiment dans de la microchirurgie. »

Puis ce sera au tour de la statuaire en bronze ?

« Oui, sur le bronze, nous appliquerons des cires et des patines pour le protéger et rehausser les anciennes couleurs qui sont encore visibles par endroits (le pāreu de la Marianne et son bouquet de fleurs). Pour ça, nous sommes aidés par Philippe de Viviés, conservateur-restaurateur de la société A-Corros, qui vient de France hexagonale. »

Qui valide ce protocole de restauration ?

« C’est la Direction de la culture et du patrimoine qui a validé un planning d’interventions avec les différentes phases. »

Combien de personnes vont travailler à la restauration du monument ?

« Je vais prendre une personne pour m’aider à l’installation du chantier, au montage de l’échafaudage et au nettoyage. L’idée, c’est aussi de trouver quelqu’un de minutieux et de patient qui soit intéressé par la restauration et le patrimoine pour le former. »

Faut-il s’attendre à ce que le monument aux morts soit caché derrière des tôles pendant le chantier ?

« Pas tout à fait. Je me suis rapproché de la ville de Pape’ete qui possède des documents sur le monument aux morts et des panneaux d’exposition. Ils seront visibles pendant la durée du chantier. Les passants pourront ainsi en apprendre un peu plus sur son histoire. D’ailleurs, si certains ont des archives personnelles, et notamment à propos des deux déménagements du monument, je suis preneur. » ◆