Ouverture de la journée santé mentale


La Journée « santé mentale et prévention du suicide » a débuté, vendredi matin, à l’amphithéâtre de l’hôpital du Taaone, en présence notamment du ministre des Solidarités, Jacques Raynal, et de la Directrice de la santé, Dr Laurence Bonnac-Théron.

La première partie de la journée s’est déroulée sous le signe du futur plan de santé mentale. Le Pr Bruno Falissard, pédopsychiatre, directeur du CESP (centre de recherche en épidémiologie et santé des populations), rattaché à l’INSERM, a débuté la série de conférences par un exposé sur l’avenir de la pédopsychiatrie dans le monde.

Au niveau mondial, dans le tableau complet des maladies, la part relative aux troubles mentaux augmente, et ce même si en parallèle la santé générale des individus s’améliore. D’où l’intérêt porté à la santé mentale par les politiques publiques de santé. Les pays en voie de développement investissent massivement dans le domaine de la pédopsychiatrie en raison de la part importante que représentent les jeunes dans la démographie de ces pays. Du fait de leurs faibles ressources, ils s’adaptent et s’appuient en partie sur des acteurs locaux (travailleurs sociaux, infirmiers, religieux…) et le tissu social de la communauté. Ils inventent ainsi un système peu onéreux qu’ils peuvent déployer sur l’ensemble de leur territoire. C’est une politique très « coût-efficace » car les effets se font sentir sur le long terme et impactent également l’ensemble de la famille même s’ils ne se voient pas toujours dans l’immédiat.

La Direction de la Santé a poursuivi en présentant l’état d’avancement du premier plan de santé mentale de Polynésie française. Les indicateurs collectés pointent la nécessité de concentrer les efforts en direction des jeunes et des personnes en situation de précarité. L’importance de la prévention en direction du public scolaire mais également l’accompagnement des familles en difficulté devraient permettre de renforcer les capacités à faire face aux difficultés de la vie quotidienne des individus.

La nécessité de développer l’offre de soins spécialisés de proximité en lien avec les soins de santé primaires pour couvrir l’ensemble des archipels est une donnée qui n’est plus à rappeler et qui fait l’objet d’un large consensus. Les soins ambulatoires sont une réelle alternative à l’hospitalisation dans un grand nombre de situations.

L’accompagnement social et le passage des professionnels de santé dans les dispositifs sociaux et médico-sociaux sont des étapes importantes. D’une part, les dispositifs sociaux arrivent à saturation du fait de l’augmentation du nombre de familles en difficulté, d’autre part, les professionnels de santé doivent repenser le modèle de soins et développer leurs actions de suivi en direction des familles d’accueil, des centres d’hébergement ou des foyers, en lien avec les partenaires extérieurs.

Le Dr Stéphane Amadéo a poursuivi par un exposé sur l’enquête multicentrique SMPG « Santé mentale en population générale » conduite fin 2015 par l’association SOS suicide sous l’égide de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Cette enquête a montré que plus de 40% de la population présentait au moins un trouble psychique, que celui-ci soit minime ou qu’il occasionne de la gêne dans la vie quotidienne de l’individu. Les risques suicidaires, les troubles de l’humeur, les problèmes liés à l’alcool ou à la drogue sont fortement représentés. Une particularité de la Polynésie française montre que peu de personnes ont recours aux soins de santé primaire pour un problème de santé mentale.

Un autre fait important est le nombre élevé de personnes ayant vécu un ou plusieurs traumatismes, soit 44% des personnes interrogées. Parmi ces traumatismes, 30% était d’origine physique, et 16% d’origine sexuelle, et l’on sait par ailleurs que la majorité des violences déclarées sont d’origine intra-familiale. Le Dr Amadéo a également abordé le projet de psychiatrie de secteur visant à développer les consultations « hors les murs » pour permettre une alternative à l’hospitalisation. Il est également revenu sur le plan de prévention du suicide de l’OMS.

L’après-midi devait être consacrée à la prévention du suicide. Un exposé sur l’historique et l’évolution du centre de prévention du suicide Didi Hirch MHS était ainsi prévu par Me Patricia Speelman du centre de prévention de Los Angeles.

Le Pr Pierre Thomas de l’Observatoire national du suicide, psychiatre au CHU de Lille, devait pour sa part présenter une revue des tendances globales du suicide dans les prisons et le nouveau plan de prévention du suicide en France qui décline un kit opérationnel basé sur des mesures probantes. Une de ces mesures consiste à recontacter la personne qui a fait une tentative de suicide dans les suites de son acte afin de maintenir le lien et prévenir ainsi les récidives. D’autres mesures ont été exposées, telles que la mise en place d’un numéro vert unique pouvant être régulé par la plateforme d’écoute des pompiers, la formation des médecins généralistes au suivi des patients dépressifs et à la reconnaissance de signes de gravité, la mise en place d’un portail « grand public », la prise en compte du sur-risque chez les personnes de l’entourage afin de travailler sur la notion de « contagion suicidaire ».

Le Dr Didier Delhaye, du CHU de Bordeaux, devait en outre évoquer le dépistage et la prise en charge des dépressions selon les nouvelles recommandations, lesquels constituent un axe majeur de la prévention du suicide. Il est particulièrement impliqué dans les cas de « dépressions résistantes ». Le plus souvent, ces dépressions difficiles à traiter sont la conséquence de parcours de soins brisés mais plus rarement il s’agit de véritables dépressions résistantes pour lesquelles on retrouve dans l’histoire de la personne soit des co-morbidités, soit des pathologies anxieuses qui sont un frein à la guérison, ou encore des syndromes de stress post-traumatiques ou des épisodes passés de dépressions, ce qui donne à penser qu’il est important de prendre en compte précocement les épisodes dépressifs.

A la fin de la journée, une table ronde était prévue sur la thématique de la recherche épidémiologique en santé et ce qu’elle peut apporter à la formation, aux soins, avec également l’évocation de la création d’un centre d’hébergement d’urgence en Polynésie. L’ensemble de ces contributions permettront, lors de l’élaboration du « plan de Santé Mentale », d’alimenter les réflexions au vu de ces récentes avancées nationales et internationales.